COZY GLOW, CHRYSALIS, TIREK

Plusieurs heures passent

 

TIREK : Mes chères compagnes de captivité, j’ai longuement marché, mais… 

Il s’arrête et observe la scène : Chrysalis poursuit avec rage Cozy Glow, qui lui échappe en se moquant.

COZY GLOW, à Chrysalis : Que se passe-t-il ? La vigueur vous ferait défaut ? Reposez-vous un instant, par égard pour votre grand âge.

CHRYSALIS, à Cozy Glow, haletante : Vous ne perdez rien pour attendre !

TIREK, s’interposant : Eh là, que se passe-t-il ici ?

CHRYSALIS : Ne m’arrêtez pas, on ne se moque pas de la reine Chrysalis impunément !

COZY GLOW : Mon ami, vous arrivez à point nommé. Voyez comme cette furie m’en veut, alors que je n’ai fait que quelques petits calembours sans volonté de blesser.

TIREK : Vous connaissant, je sens qu’il y a là plus que de simples blagues. Mais cessez donc un instant vos enfantillages, j’ai plus important à vous dire.

CHRYSALIS : Je cesserai quand il me plaira ! Que le visage d’ange de cette vipère ne vous attendrisse point : elle semble douce, mais elle n’attend qu’une occasion pour vous cracher son venin ; et sa langue fourchue…

TIREK : Fi de sa langue et de vos affabulations animalières ; écoutez plutôt.

CHRYSALIS : Mais…

TIREK : Pas de mais. Vous avez toutes les deux des griefs, mais le fait est que nous resterons ici pour l’éternité.

CHRYSALIS, se calmant peu à peu : Ah bon, il s’agit donc d'un fait ? Et qu’est-ce qui vous amène à cette conclusion ?

COZY GLOW, à part : Je l’avais dit.

TIREK : (À Cozy Glow) Vous, ne commencez pas. (Aux deux) Je l’ai vu de mes yeux : après avoir longtemps marché, je n’ai pu percevoir la moindre variation de l’environnement, puis sans changer de direction, je me suis retrouvé devant vous.

CHRYSALIS : Hélas ! nous sommes donc non seulement piégés, mais en sus nous ne pourrons jamais nous éloigner les uns des autres ? Quelle malédiction est-ce là ?

TIREK : Tout doux, nous pouvons atténuer cette condamnation en vivant en paix. Mais d'où sort ce jeu de cartes ?

CHRYSALIS : Nous comptions l’utiliser pour passer le temps, mais madame ne connaissait qu’une variante à trois joueurs.

TIREK : Et maintenant je suis là. Qu’attendons-nous donc ?

COZY GLOW : Pour cela, il faudrait être trois concurrents ; or, je n’en vois ici que deux, accompagnés d’une pauvre reine de rien du tout trop limitée pour comprendre les règles.

CHRYSALIS : Serpent !

TIREK : Allons, nous partons du mauvais sabot. Si nous ne tenons même pas une journée ensemble, l’éternité nous semblera bien longue.

CHRYSALIS, soupirant : Vous avez raison.

COZY GLOW : Mais, elle…

TIREK : Cela suffit ! Vous allez oublier ce qui vient de se passer, et tout de suite ; Cozy Glow, dites quelque chose de bon à Chrysalis.

COZY GLOW : Quoi ? Je… (Hésitante) Bon, disons que vous avez… une certaine expérience de la vie. Et que vos conseils se doivent donc d’être écoutés.

TIREK : C’est un bon début. À vous, Chrysalis.

CHRYSALIS : Je dois admettre que quand vous le voulez, vous pouvez être de passable compagnie. Voire… agréable.

TIREK : Maintenant que c’est réglé, quel divertissement proposez-vous ?

COZY GLOW, après un silence : Et si…

CHRYSALIS, en même temps : Ma foi…

COZY GLOW : Excusez-moi, que proposez-vous ?

CHRYSALIS : Non, je ne voulais point vous interrompre. Qu’alliez-vous dire ?

TIREK : Arrêtez cela, sinon nous allons y passer la vie. Que diriez-vous, Cozy Glow, de nous expliquer que faire avec ces cartes ?

COZY GLOW : Eh, qui vous a établi en chef ? Devrions-nous nous plier à vos ordres sans ciller ? (À Chrysalis) Cela ne vous dérange pas ?

CHRYSALIS : Tant que ses demandes sont raisonnables, je ne vois pas de raison de s’offusquer.

COZY GLOW : Est-ce donc raisonnable d’user de sa force pour nous séparer et nous réconcilier ? Bon, cela passe encore. Mais nous couper la parole ? Et nous forcer à faire les activités de son choix ? C'en est trop !

TIREK : Ce n’était qu’une proposition, si vous avez une meilleure suggestion allez-y.

COZY GLOW : Quoi, vous osez nier ? Chrysalis, prenez ma défense ! Si ma fragilité ne vous fait pitié, protégez-moi au nom de notre féminité.

CHRYSALIS : Ne l’écoutez pas, Tirek, elle ne cherche qu’à nous diviser pour mieux régner.

COZY GLOW : Ah, c’est donc cela, je comprends mieux ; vous vous alliez contre moi, car vous êtes l’un de l’autre coiffés. Tirek, vous voici, ma foi ! Chryaslée.

TIREK : Vous y allez un peu fort ; une telle éventualité me semble bien loin d’être à l’ordre du jour.

CHRYSALIS : Que voulez-vous dire par là ?

TIREK : Ce que je viens de dire. Vous, moi… non, on ne peut l’imaginer.

CHRYSALIS : Et pourquoi ? Ne vous inspire-je que le dégoût ?

TIREK : Là n’est pas le sujet, et vous n’allez tout de même pas vous outrer de quelques paroles en l’air d’une sournoise ponette.

CHRYSALIS : Je m’outrerai si je le désire, et je n’aime pas ce que vous insinuez.

TIREK : Mais je n’insinue rien, ne vous laissez pas manipuler par cet enfant.

CHRYSALIS : Manipulatrice ou non, elle vient de toucher un point sensible, et j’exige une explication.

TIREK : Il n’y a rien à expliquer, il me semble simplement que contrairement à ce que Cozy Glow prétend, l’idée d’une relation plus qu’amicale entre nous serait ridicule.

CHRYSALIS : C’est vous qui êtes ridicules, tous les deux !

TIREK : Mais…

CHRYSALIS : Pas de mais, je n’ai que faire de vos excuses. La taille de cet endroit peut être restreinte, mais je ne dois pas pour autant rester avec de tels compagnons. Adieu !

Elle quitte la scène.

TIREK : Vous êtes fière de vous ? À vouloir tout contrôler, vous avez tout perdu.

Il part de l’autre côté de la scène.

COZY GLOW : Oui, eh bien… je…, c’est exactement ce que je voulais ! Je serai bien mieux sans vous.

Elle quitte la scène.