— Fluttershy, quel plaisir de vous voir dans mon infirmerie. Et qui est avec vous ? demanda Nanny Star en pivotant sur son tabouret.

— Hé bien, heu... c'est votre sœur. Enfin, je crois, répondit la pégase d'une petite voix.

Niñeris tiqua de l’œil. Évidemment qu'elle avait reconnu sa propre sœur, mais pourquoi cette jument était-elle au courant de quoi que ce soit ? Se demanda-t-elle. La panique commença à naître dans sa poitrine, mais elle se ressaisit assez vite pour ne pas perdre ses moyens. D'un coup de sa magie, elle ferma les fenêtres, verrouilla la porte, débrancha le téléphone et éteignit les lumières.

— Et dites-moi, mademoiselle... que savez-vous d'autre au sujet de ma sœur ? murmura-t-elle en quittant son tabouret, avançant lentement vers l'autre jument.

Cette dernière ne cachait rien de sa nervosité et recula légèrement, laissant tomber celle qu'elle transportait sur son dos.

— Aïe... gémit la chasseuse, face contre le carrelage.

— Oh, p-pardon Caza', s'exclama Fluttershy avant de tourner son regard vers l'infirmière. Heu, je, hé bien, que vous êtes des... heu... des changelins, non réformés, mais... gentils ? couina-t-elle sur ce dernier mot.

Niñeris roula des yeux et attrapa sa sœur dans sa magie afin de ramener son visage au niveau du sien.

— "Caza" ?! Sérieusement ? Parce que tu lui as donné ton vrai nom en plus ? grogna-t-elle.

— En fait non, je lui ai dit que je m'appelais Cazadora, c'est pas tout à fait pareil.

L'infirmière relâcha son emprise magique sur la tête de sa sœur.

— Aïe...

Puis elle prit une grande inspiration et souffla lentement, avant de s'approcher de l'élément de la gentillesse comme si elles se connaissaient depuis longtemps.

— Bien, fit-elle en reprenant contenance. Depuis combien de temps connaissez-vous ma sœur ?

— Oh, heu... je dirais depuis environ soixante-douze heures... répondit la pégase, oubliant un instant son inquiétude.

— Bien bien bien... réagit la princesse nourricière en commençant à faire briller sa corne. Et vous conservez des souvenirs physiques de votre rencontre ou du fait qu'elle hum, enfin, que nous soyons des changelines ? continua-t-elle.

— Heu... oh, non... pas vraiment... Enfin, elle a laissé beaucoup de sang dans l'allée du jardin... Mais ce n'est pas grave, je pourrais nettoyer, répondit Fluttershy avec un grand sourire emplie de malaise.

Niñeris leva le sabot, comme pour demander une minute à son interlocutrice, interrompant la magie qui brillait dans sa corne, et attrapa le visage de sa sœur entre ses paturons avant d'en approcher le sien.

— Je peux savoir c'que t'as foutu espèce de sombre conne ?! siffla-t-elle entre ses dents, dans une parodie de chuchotement. Tu veux nous faire tuer !?

— Oh ça va, on s'en fout, t'as qu'à lui effacer la mémoire... répondit la jeune sœur.

— J'en ai déjà marre, et c'est déjà de plus en plus difficile de nettoyer derrière toi !! réprima la princesse nourricière en faisant claquer son sabot arrière contre le carrelage, fissurant ce dernier. Tu as de la chance de n'avoir laissé que quelques traces de sang ! Sinon je jure sur la couronne de notre mère que je t'aurais tuée !!

— Ne soyez pas dure avec elle ! intervint la pégase d'un ton étonnamment autoritaire. Je... je sais ce que c'est d'avoir un frère bon à rien, qui en demande trop à sa famille... Mais Caza a juste fait de son mieux pour m'aider, elle s'est mise en danger pour moi, et je lui en serais toujours reconnaissante ! Alors, ne la grondez pas trop... s'il vous plaît... si... si ça ne vous dérange pas trop... ? conclut-elle à voix basse.

— Tu as fait quoi ?! Te mettre en danger pour un poney ?! Pour l'une de nos plus grandes ennemies en plus !? s'écria Niñeris en secouant sa sœur.

— Aïe, aïe, aïeuuuuuh ! Bordel tu vas aggraver les fissures dans ma carapace ! rouspéta la chasseuse. Et puis merde, je m’ennuyais, j'avais besoin d'action ! Et crois-moi, on aurait pas voulu de Flutterbat comme ennemie ! J'ai éliminé une menace !

La nourricière soupira et relâcha de nouveau sa sœur.

— Aïe...

Elle roula des yeux et la fit plutôt léviter jusque sur l'un des lits réservés aux patients. Puis elle s'approcha de Fluttershy. reprenant le sort qu'elle avait laissé en suspens.

— Très bien, je vais vous demander de bien vouloir observer le point brillant au sommet de ma corne, ordonna-t-elle avant d'observer les yeux de la pégase suivre ses instructions. Voiiiiilà...

Il y eut un grand flash vert, les yeux de la pégase scintillèrent un instant de cette même couleur, avant qu'elle ne s'estompe lentement. Elle avait l'air un peu perdue, le regard dans le vide, les pupilles contractées.

— Très bien, déclara Niñeris, fixant son regard dans celui de l'autre jument. Vous n'avez jamais embauché qui que ce soit, ni rencontré quelqu'un de nouveau dans les dernières soixante-douze heures. Vous avez réglé vos problèmes toute seule comme une grande pouliche, vous allez rentrer chez vous et vous nettoierez d'éventuelles tâches de sang proches de votre domicile sans jamais vous questionner sur leur provenance. Et vous ferez tout ça dès que je claquerais du sabot.

Un claquement de sabot plus tard, Fluttershy cligna des yeux avant de hocher la tête.

— D'accord, mais... qu'est-ce que je dis aux autres à propos du fait que vous soyez des changelins non réformés ? demanda-t-elle.

La princesse nourricière afficha un air parfaitement étonné. Elle avait parfaitement exécuté son sort, elle en était certaine, et elle avait bien fait en sorte d'effacer toute information compromettante, alors pourquoi ? se demandait-elle. Il lui semblait impossible que ça n'ait pas fonctionner.

Dans le doute, elle reproduisit de nouveau le sortilège, tentant d'effacer les souvenirs indésirables, laissant une fois de plus l'autre jument éblouie et étourdie.

— Très bien, question de routine, suis-je une licorne, ou une pégase ? demanda-t-elle comme si elle conduisait un test de dépistage d'AVC.

— Heu... vous êtes une changeline.

Cette dernière reproduisit son sort, déclenchant un nouveau flash.

— Vous allez imitez une poule et sortir de mon infirmerie ! commanda-t-elle.

— Heu, je... je n'imite pas très bien la poule, et puis... vous avez fermé la porte...

L'agacement commençait à avoir raison des nerfs de Niñeris. Elle porta ses sabots à ses tempes pour calmer sa migraine naissante, puis fut attirer par quelque chose au bord de son champ de vision. La cutie mark de la pégase scintillait très légèrement, diffusant la magie de la princesse changeline vers l'extérieur de son corps.

Sans trop réfléchir d'avantage, la nourricière créa une lentille de magie à travers laquelle elle inspecta Fluttershy. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre.

— Vous... vous êtes résistante à la magie changeline... ? Mais comment ?!

— Hé, ça explique pourquoi j'ai eu tant de mal ! déclara Cazadoris depuis le fond de l'infirmerie. Et franchement, ça soulage de savoir que ça venait pas de moi.

Niñeris soupira et, d'un coup de sa magie, déverrouilla la porte, rouvrit les fenêtres et ralluma la lumière, avant de regagner son tabouret près de son bureau.

Elle était déjà déprimée, rien qu'à l'idée du casse-tête que ça serait de devoir faire face à ce nouveau problème.

— Excusez-moi, vous n'avez pas l'air d'aller très bien... remarqua Fluttershy, inconsciente de ce qui se passait dans l'esprit de l'infirmière. Vous avez essayé d'effacer ma mémoire ? Je... je peux faire semblant d'avoir oublié si ça peut vous faire plaisir... Et puis, je n'ai encore rien dit à personne.

— Non, non... soupira la changeline. Ce ne serait pas pareil... je... je crois que j'ai besoin de temps pour y réfléchir...

— Vous savez, ça peut arriver à n'importe qui.

— Mais pas à moi ! s'exclama la changeline en se redressant d'un coup sur son siège. Je comprends pas, c'est la première fois que ça m'arrive !

— Allons, allons, détendez-vous, c'est pas si grave... rassura la pégase en passant un sabot dans le dos de l'infirmière.

— Mais c'est pas ça, c'est juste que... c'est ma place en tant que meilleure magicienne de la ruche qui est en jeu ! J'me sens... c'est comme si on m'avait privé de mon talent spécial !

— Mais non enfin, personne ne pense ça... vous êtes une magicienne très compétente. Je vous assure, ça vient de moi, c'est ma faute, je suis résistante à la magie changeline après tout.

— Je veux pas de votre pitié ! grogna Niñeris en serrant les dents pour retenir ses sanglots, avant de se reprendre aussitôt. De toute façon, ce n'est pas grave ! Je peux toujours vous enfermer dans un cocon ! déclara-t-elle en relevant la tête.

— Oui, c'est très bien, encouragea la pégase. Il faut penser positif ! Attendez... dans un cocon ?

— Évidemment ! C'est la meilleure solution pour le moment, et puis ce n'est pas comme si Cazadoris avait laissé autre chose qu'une simple traînée de sang !

— Caza... doris ? répéta la pégase.

— C'est son vrai nom, mais on est plus à ça prêt, hahaha, ricana Niñeris un peu nerveusement. Après tout, vous êtes le seul et unique témoin capable de mener d'autres poneys sur la piste ! Du reste, nous avons été cent-pour-cent furtives ! Pas un pas de travers depuis les quelques mois que nous sommes arrivées à Ponyville après que notre mère, Chrysalis, nous ait donné naissance !! ajouta-t-elle comme si elle tentait de s'en convaincre.

— Vous... vous m'en dites peut-être un peu trop... je peux toujours faire semblant de ne rien savoir, vous savez ? s'inquiéta Fluttershy.

— Non non non non... ! rétorqua immédiatement la princesse nourricière. C'est très gentil de votre part, mais j'ai la situation sous contrôle ! Bien, maintenant, votre cocon mademoise-

Niñeris fut interrompue en sentant un objet mou heurter l'arrière de son crâne.

— Journal ! déclara la voix de Derpy qui s'éloignait.

— Oh, heu, avant cette histoire de cocon, je pourrais voir les résultats du concours de chatons d'hier ? demanda la pégase.

— Hmm, oui, pourquoi pas après tout, répondit la changeline en faisant léviter le journal vers l'autre jument.

Cette dernière parcourut la première page et s'attarda sur la tribune. Elle retint alors sa respiration et écarquilla les yeux avant de le cacher sous son aile.

— Oh, heu, c'était une égalité ! déclara-t-elle d'un ton pressé. Bien, alors, ce cocon ?

— Donnez le journal... soupira Niñeris.

Fluttershy s'exécuta, le tendant du bout des plumes de son aile. La changeline le lui arracha, visiblement impatiente, et son regard s'attarda également sur la tribune de la première page : "Cratère fumant à Everfree". Le ventre du journal déclarait, entre autre : "Une formidable quantité de magie changeline mêlée à la magie sauvage d'Everfree ont creusé, hier soir, ce formidable cratère ! Le lieutenant de la garde locale déclare : « Jamais rien vu d'tel depuis le combat entre la princesse Twilight Sparkle et Tirek, c'est forcément l’œuvre d'une personne ayant tenté de pulvériser un adversaire trop fort pour elle. C'est la deuxième fois que j'vois ça en vingt ans d'service ! » L'enquête continue !"

Niñeris prit une grand inspiration, puis souffla. Elle renouvela l'opération, mais rien n'y fit, elle commençait déjà à hyperventiler sans pouvoir s'arrêter. Fluttershy se précipita donc vers un des placards de l'infirmerie qu'elle occupait elle-même il n'y a encore pas si longtemps, et attrapa un sac en papier avant de le donner à la changeline. Cette dernière l'attrapa et se mit à y respirer très fort.

— Allons, allons... rassura la pégase en passant un sabot dans le dos de la princesse nourricière. C'est pas la peine de s'angoisser, un problème à la fois... Je suis sûre qu'on trouvera une solution qui n'impliquera pas de mettre quelqu'un dans un cocon... Vous ne pouvez pas simplement mettre vos problèmes dans des cocons à chaque fois, conclut-elle.

— Bien sûr que si je le peux !! s'écria la changeline en jetant le sac en papier au visage de la pégase, avant de se tourner vers le lit occupé par sa sœur. Quant à toi, je vais TE TUER !!!

Les prochaines minutes furent éprouvantes pour Fluttershy, qui avait du mal à retenir l'infirmière de se ruer sur la pauvre Cazadoris, toujours gravement blessée. Et dans le feu de l'action, elle oublia un instant qu'une fois la dispute passée, c'était elle qui allait avoir des problèmes... ou plutôt, devenir le problème dont il faudrait se débarrasser.