Chapitre 4
La descente sur l’autre flanc de la montagne fut plus compliquée que ce que je m’imaginais. Le froid était sans commune mesure comparé à celui de la baie. Je comprenais maintenant à quel point l’air marin mitigeait la fureur de l’hiver éternel, mon manteau parvenant à peine à me tenir chaud.
J’étais de plus obligé de descendre lentement, tâtant le sol devant moi avec mon bâton pour déceler d’éventuels plaques de glace sous la neige.
La neige elle-même était traîtresse, plus d’une fois j’avais prudemment touché une zone de neige qui semblait solide pour découvrir qu’elle dissimulait en réalité une profonde crevasse.
L’effort était éreintant, tant physiquement que mentalement, la concentration nécessaire pour avancer pas à pas sur le sol rocheux traître, la neige et la glace était épuisante.
Le temps s’égrenait, les minutes devenant des heures tandis que j’avançais laborieusement.
J’atteignis finalement le pied de la montagne et put contempler l’horizon. Une désolation de neige et de glace, aux congères bien plus hautes que moi, me faisait face.
La fatigue de ma descente commençait à me rattraper, mais je me forçai à marcher encore un peu, la journée était bien avancée et il me fallait trouver un endroit convenable pour camper et également trouver de quoi allumer un feu, sinon je mourrai de froid.
Alors que le soleil commençait à tomber derrière la chaîne de montagne, je trouvais un endroit parfait pour m’installer pour la nuit, une dépression circulaire dans la neige, bordée de congères géantes.
Sa forme déviait le vent vers le haut et protégeait un peu de la bise mordante. Je farfouillai un peu sous la neige des alentours et je finis par trouver assez de bois morts pour allumer un petit feu.
Avant de l’allumer, j’étudiais la congère la plus proche. Trois fois plus haute que moi, son extérieur était gelé et aussi solide que la pierre des montagnes, plusieurs coups de mon bâton me permirent d’en être certain.
Modulant mon sort de cône de flamme, je le rendis aussi petit que possible, afin de percer un trou dans le tas de neige et de glace.
Le soleil était presque totalement couché quand j’eus fini ma besogne.
Évider et consolider la congère m’avait pris un bon moment, mais le jeu en valait la chandelle: sa taille était telle que je pouvais monter ma tente à l'intérieur de l’espace dégagé, ainsi qu’un petit feu de camp.
Avant d’allumer le feu, j’avais pris soin de creuser un petit trou pour permettre d’évacuer la fumée. L’entrée de mon campement de fortune était à peine assez grande pour me permettre de sortir en rampant, mais il garderait d’autant mieux la chaleur du feu.
A l’extérieur, un blizzard se levait, charriant neige et grêle, ce qui me rendait d’autant plus heureux d’avoir trouvé un abri à temps pour la nuit.
Tandis que je faisais fondre de la neige pour préparer mon repas et me désaltérer, des crissements s’élevèrent à l’extérieur. Quelqu’un ou quelque chose s’approchait!
Immédiatement sur le qui-vive, je sortis du campement, ma magie prête à lancer un éclair, mon bâton fermement serré dans mes pattes.
Les crissements de pas s’arrêtèrent à l’extérieur du cercle formé par la neige entassée autour de mon camp et une voix grave et amicale s’éleva.
“Bien le bonsoir, voyageur. Le temps est rude ce soir et la nuit pleine de danger. Je demande humblement la permission de pouvoir passer la nuit dans ton campement.”
Bien qu’incertain sur la conduite à tenir, j’invitais le nouvel arrivant à pénétrer le cercle de neige.
Je n’eus pas besoin de répéter mon invitation, à peine mes mots eurent-ils franchi mes lèvres, un renne entra dans le camp. Sa démarche trahissait sa fatigue, son pas lourd et lent.
Il s’ébroua lentement, secouant son épais pelage bleu pour évacuer la neige qui y était collée. De toute sa hauteur, presque deux fois ma taille, il s’inclina, son nez touchant presque terre, ses bois frottant légèrement la neige.
“Tu as toute ma gratitude, voyageur. Le blizzard m’a surpris avant que je puisse monter un camp digne de ce nom et j’aurai grandement souffert du froid et de la faim si je n’étais pas tombé sur ton bivouac. Mon nom est Calypso."
“Pas besoin de me remercier, c’est tout à fait normal. Dans un monde aussi hostile et austère, il faut bien s’entraider, sinon à quoi bon? Je m’appelle Winter Ruby, enchanté!” lui répondis-je d’un signe de tête amical.
“Intéressant. Il est rare de trouver des âmes si pleines de bonté dans ces terres désolées. Suivre un code d’honneur est passé de mode avec l’avènement de l’hiver éternel, un fait des plus tristes. Si plus de créatures agissaient comme tu l’a fait, Winter, le monde n’en serait que meilleur.” me lança le renne, d’un ton plein de sagesse.
Sa façon de parler était semblable à celle du Meister, lente et distincte, sa voix calmant mes craintes à son sujet.
Examinant le renne et mon campement, je grimaçais.
“Calypso, je suis au regret de te dire que je ne prévoyais pas d’avoir de la compagnie. Comme tu peux le voir, j’ai fait mon camp à l’intérieur de cette congère et je ne pense pas pouvoir l’agrandir pour accommoder ta propre tente.”
Il sourit largement avant de répondre.
“Aucun problème, je me contenterai très bien de monter ma tente dans ce cercle de neige. Le vent y est absent et le froid m’importune moins que d’autres créatures.”
Il sortit de ses fontes quelques morceaux de bois et un briquet d’amadou et commença à préparer un feu.
Après avoir rajouté une partie du bois mort que j’avais récupéré plus tard, des flammes joyeuses s’élevèrent vite du feu de camp, pendant que Calypso et moi discutions.
“Si je puis me permettre, d’où viens-tu, Winter? A ma connaissance, cette plaine est vide et désolée, il faut plus d’une semaine de marche pour rejoindre le hameau le plus proche d’ici. Or, tes provisions semblent indiquer que tu es parti depuis peu.”
Ma méfiance revint au galop. Partir à l’aventure était une chose, révéler l’emplacement de mon village, sans être certain des intentions de Calypso ou des gens à qui il répèterait l’information, en était une autre.
Secouant la patte d’un air évasif vers le nord-ouest, je répondis : “Je viens d’une ville dans cette direction, à environ 5 jours de marche. Sans vouloir te vexer, je préfère ne pas en divulguer plus”.
Il me fit un sourire en coin avant de répondre : “Sage réponse. Je ne te questionnerai pas plus sur ce sujet.”
Le récipient rempli d’eau suspendu au-dessus du feu par un trépied improvisé commença à renvoyer un son de bulle qui éclate.
Prenant une de mes rations d’algue et de champignons séchés, je m’approchai de la marmite et me mit à déballer mes ustensiles.
Curieux, Calypso prit une feuille d’algue, la tournant et la retournant afin de l’examiner et m’interrogeant sur la nature de cette curieuse plante.
Je lui expliquai ce que je connaissais des algues, tandis que je commençai à préparer une soupe avec mes rations.
Le renne, satisfait de mes explications, laissa tomber la feuille d’algue dans la marmite avant de retourner fouiller ses fontes.
Il en sortit deux petits paquets enrobés de toile, et me les présenta.
Les déballant, je vis des grains secs, dorés, dans un des paquets, l’autre comportant deux racines blanches biscornues.
Je ne pus m'empêcher de demander : “Qu’est ce que c’est que ça? Je n’avais encore jamais vu ce type de nourriture”.
Calypso parut surpris puis expliqua de sa voix grave : “ Ces graines sèches sont des grains de blé, et ça ce sont des panais, un type de carotte rustique. Nous faisons pousser une grande variété de plantes d’où je viens, mais ces deux là sont les plus faciles à transporter et à conserver pour les longs voyages. Ajoute-les dans la marmite après avoir coupé les panais, et nous aurons assez de nourriture pour ce soir et demain matin”.
Suivant les instructions, je coupai les racines grossièrement, les réduisant à l’état de disques, puis les rajoutai au ragoût d’algue et de champignons avec les grains de blé.
Durant la cuisson, je dus remettre de l’eau par deux fois pour compenser celle absorbée par le blé et les champignons séchés.
Le résultat fut un ragoût épais, à l’aspect alléchant. Je pris la louche de Calypso, qui m’avait servi à touiller durant la cuisson et lui remplit le bol qu’il me tendit avant de remplir le mien.
Après avoir souhaité un bon appétit à mon invité, je commençai à manger. C’était le meilleur repas de toute ma vie, le blé et les racines ajoutant des saveurs que j’avais peine à identifier et décrire.
J’avalai goulûment ma portion, raclant avec soin mon bol pour être sûr de ne pas perdre une miette du repas.
Calypso vida son propre bol lentement, prenant de toute évidence grand soin à bien savourer le repas.
Une fois le repas terminé, le renne couvrit la marmite, puis s’installa dans sa tente, laissant seulement sa tête pointer à travers l’ouverture.
Je m’installai de même à l’entrée de la congère qui me servait de campement, laissant dépasser mon cou et mes pattes avant par l’ouverture.
“Si je puis me permettre, Winter, as-tu une destination en tête? Ce désert de glace est trop inhospitalier pour partir sans but, c’est le meilleur moyen de finir gelé.”
Je me grattai la nuque du sabot, avant de répondre d’un air gêné: “Hé bien, non, pas vraiment. Je pensais continuer direction Est/Sud-Est, et essayer de trouver une communauté. Et si jamais je ne trouve rien quand j’aurai mangé la moitié de mes rations, je ferai demi-tour et repartirai chez moi”.
Calypso leva un sourcil d’un air perplexe avant de répondre : “As-tu une carte au moins? Sais-tu exactement la distance qui te sépare de ta ville natale? Peux-tu l’atteindre même si le blizzard souffle continuellement et t'empêche de déterminer la distance parcourue? Bien que tu sois mieux préparé que beaucoup d’explorateurs que j’ai rencontrés par le passé, il te manque quand même un certain nombre de choses essentielles.”
Pendant qu’il parlait, mon cœur commença à battre plus vite et une sueur froide à me couler dans le dos, tandis que je réalisai que j’étais parti à l’aveugle, et que sans ma rencontre avec Calypso, j’aurai sans doute fini mort dans cette plaine gelée.
Le renne me fit un sourire rassurant, avant de faire flotter vers moi un papier roulé.
FLOTTER? Abasourdi, je réalisai qu’un voile bleu entourait ses bois et le papier flottant devant moi.
Jamais dans toutes mes lectures, je n’avais entendu parler de créatures capables de magie autre que les licornes.
Certes, les rennes étaient mentionnées dans certains ouvrages que j’avais copié, mais il s’agissait simplement de descriptions incomplètes, indiquant simplement qu’ils vivaient loin au nord par rapport aux terres occupées par les poneys de l’époque et qu’ils vivaient en petites tribus.
Je pris le papier dans ma propre magie, et le déroulai. Une carte détaillée du continent y figurait, contenant également la chaîne de montagne entourant SeaHorn qui était notée comme infranchissable.
Plusieurs villes ou villages étaient consignés, certains lieux avaient leur nom noté en rouge avec un petit crâne, d’autres avaient une étoile rouge à côté de leur nom avec une note en bordure de carte disant : “à éviter sauf en cas d’extrême nécessité" et enfin quelques villes avait leur nom noté en noir, avec la mention “sûr”.
A peine cinq ou six villes étaient marquées “sûr”, le reste étant noté comme dangereuses ou mortelles.
Malgré tout, je souris en examinant la carte, car mon instinct se révélait juste : d’autres créatures avaient survécu à l’hiver éternel et avaient créé leur propre communauté!
Redressant la tête, je demandai à Calypso son avis sur la direction à prendre.
“La ville d’où je viens, Canternia, est le meilleur choix, à mon humble avis.
Olga, la dirigeante, tente d’en faire un havre de paix dans ce monde inhospitalier, accueillant tout type de créatures capables de bien se comporter, et elle essaye même de tisser des liens avec les autres cités pacifiques.
C’est d’ailleurs là que sont basés les Veilleurs, les licornes qui s’occupent de la course du soleil.”
Je n’en croyais pas mes oreilles et je remerciai en silence ma bonne étoile pour m’avoir fait rencontrer Calypso.
Le renne, sans s’interrompre, continua sur sa lancée : “ Ceux qui souhaitent aider à créer des liens entre les villes et explorer le monde font partie des Gardiens, comme moi. Des missions leur sont assignées, ma mission actuelle étant de cartographier au mieux la zone où nous sommes en ce moment pour voir s’il y a une communauté qui pourrait être intéressée par des échanges commerciaux avec Canternia ou pour guider des voyageurs perdus à l’écart des endroits dangereux.”
En souriant largement, il ajouta : “ J’ai dirigé un groupe de trois personnes vers Canternia dans la matinée, puis toi ce soir. Tu seras bien sûr libre de faire ce que tu veux là bas, tu n'es pas obligé de t’engager parmi les Gardiens, mais je pense que tu serai un excellent élément au vu de ce que tu m’a montré ce soir.”
Un peu perplexe, je le remerciai avant de laisser échapper un bâillement. Mon corps me rappelait que j’étais parti à l’aube ce matin et qu’il était grand temps de se reposer après cette dure journée de voyage.
M’excusant auprès de Calypso et lui souhaitant bonne nuit, je partis me coucher, notant la tiédeur de l’air à l’intérieur de la congère, comparé au froid de l’extérieur, et me laissai tomber sur mon sac de couchage.
Ma fatigue et l’heure tardive me firent plonger instantanément dans un sommeil profond et sans rêve.
*****
Le lendemain matin, au réveil, je me rendis compte que la neige était tombée durant la nuit, bouchant partiellement l’entrée de la congère et ayant éteint mon petit feu de camp.
Déblayant sans problème l’ouverture, je sortis dans le froid du matin pour découvrir Calypso déjà levé et en train de réchauffer le ragoût de la veille.
Le ciel était toujours couvert de nuages filtrant les rayons du soleil, mais le vent s’était arrêté de souffler et la neige avait cessé de tomber.
“Bien le bonjour, Winter. Tu tombes à pic, le petit-déjeuner est prêt.”
Le remerciant d’un signe de tête, je mangeai mon repas en silence, savourant les saveurs du ragoût.
Après avoir fini, je demandai à Calypso si le soleil s’était levé depuis longtemps. Il me répondit que le jour était levé depuis à peine plus de deux heures.
Une fois nos affaires respectives rangées, il fut temps de partir. Je souhaitai bon voyage à Calypso, qui partait vers le sud-ouest pour continuer sa cartographie de la zone tandis que je me dirigeai vers Canternia à l’est.
Avant de nous quitter, Calypso m’échangea plusieurs de mes rations d’algues et de champignons contre ses rations de blé et de panais. “Pour varier le quotidien” selon ses propres mots.
La matinée passa sans incident, la plaine glacée, vide et désolée, commença à inclure des collines clairsemés.
Vers le milieu de l’après-midi, le vent se mit à souffler doucement d’est en ouest, portant des bribes de conversations que j’entendais à peine.
Curieux, je tendis l’oreille et put distinguer trois tons de voix différents. Afin d’avoir un meilleur point de vue, je gravis la colline la plus proche.
De mon perchoir, j’aperçus trois voyageurs non loin : un griffon blanc, portant une arbalète, un renne et un silhouette équine sillonées de stries noires et blanches, un zèbre.
Alors que je m’apprêtais à élever la voix pour les interpeller, je remarquais une masse noire s’avançant en direction du petit groupe.
En plissant les yeux je remarquais qu’il s’agissait de plusieurs silhouettes informes, une bonne quinzaine de créatures inconnues.
Les voyageurs les avaient remarqués eux aussi et s’étaient mis en position de défense, prêt à recevoir les attaquants.
Soudain, je vis quelques silhouettes difformes noires, plus loin au nord, qui semblaient se diriger droit vers le trio qui ne les avait pas vu, concentré sur la menace plus immédiate en face d’eux.
Je dévalai la colline, glissant aussi bien que galopant dans la descente, sans prendre la peine d’être discret.
Je continuai à galoper vers le griffon qui était en train d’armer une arbalète, me concentrant sur mon sort tandis que je voyais les créatures au nord s’approcher dangereusement du trio.
Le son de ma cavalcade attira finalement l’attention du trio et tandis qu’ils se tournaient vers moi, prêts à en découdre, je remarquais qu’il s’agissait en réalité d’un groupe exclusivement féminin, la renne était équipée d’une armure de cuir noire et rouge, la griffonne d’un simple manteau avec un carquois de carreaux d'arbalète et la zébrelle ne portait que des flasques en bandoulière.
La griffonne commença à pointer son arbalète vers moi, mais avant qu’elle puisse réagir, j’avais lancé mon sort d’explosion vers le nord avec une trajectoire en cloche, l’envoyant sur le groupe de créature en train de refermer leur embuscade.
J’eus à peine le temps de crier : “NORD! ATTENTION!” avant de passer en trombe au milieu du trio pour me planter face aux ennemis venus du nord, pendant que la zébrelle était en train d’avaler le contenu d’une flasque.
Ma boule de feu atterrit en plein milieu des assaillants du nord, en détruisant quatre et faisant tituber les autres dans une explosion assourdissante, projetant de la neige aux alentours.
Maintenant que j’étais plus proche, je pouvais distinguer les créatures : des caricatures de poneys, à l’apparence seulement vaguement équine, au corps noir huileux dégoulinant et aux yeux vides luisant d’une lueur rouge malsaine. Un soupçon de peur commença à me gagner.
Jetant un rapide coup d'œil en arrière, je vis que la griffonne avait pris le parti d’accepter mon aide sans poser de question et avait reporté son attention dans l’autre direction.
La renne et la zébrelle était déjà au corps à corps du groupe le plus important, la zébrelle bougeant étrangement, titubant en équilibre sur ses pattes arrières pour délivrer des coups de sabots dévastateurs avec ses pattes avant.
Me concentrant de nouveau sur les ennemis en face de moi, je fus surpris de constater qu’ils étaient presque sur moi. Leur étrange démarche titubante les faisait paraître plus lent qu’ils n’étaient réellement.
Sans réfléchir, je baissai légèrement la tête, pour mieux viser avec ma corne, avant de lâcher une rafale de flammes dévastatrices.
Je ne pris même pas la peine de moduler l’intensité de mon sort car j’étais certain qu’aucun allié n’était dans le rayon d’action de mon cône de flamme.
Les flammes balayèrent l’espace devant moi dans un rugissement digne d’un monstre de légende, carbonisant trois autres créatures et forçant les trois dernières à reculer précipitamment.
Je profitai de la retraite momentanée des abominations pour faire quelques pas en arrière et jeter un œil vers le reste de la bataille.
La grande majorité du reste des ennemis était déjà à terre, leur corps semblant se dissoudre et couler comme du pétrole, mais il en restait tout de même quelques-uns qui semblaient donner du fil à retordre au trio. J’entendis la griffonne jurer bruyamment à la suite d’un cliquetis sonore au niveau de son arbalète.
Un geignement à me faire dresser les poils du pelage s’éleva, ramenant toute mon attention sur le trio de créatures qui étaient encore debout de mon côté.
Une sueur froide me coula le long du dos, la première créature était presque arrivée à mon contact, à peine deux pas nous séparant.
Sortant mon bâton d’un mouvement fluide, je me redressai sur mes pattes arrières tout en assénant un coup horizontal en direction de la tête de la créature, mais elle évita mon attaque et s'avança de sa démarche anormale et contraire au fonctionnement de l’anatomie équine.
J’eus à peine le temps de sauter en arrière, en prenant appui sur mon bâton, avant que la créature, geignant toujours, ne tente de mordre le vide à l’endroit où se trouvait ma patte quelques secondes plus tôt.
Sans réfléchir, je donnai un second coup de taille, envoyant la tête de mon bâton percuter le cou de l’abomination.
a nuque se plia selon un angle impossible avec un bruit mou de tissu mouillé, mon bâton ne rencontrant aucune résistance qui indiquerait la présence d’os.
Lentement, la créature glissa à terre sans bruit, s’affalant comme une marionnette dont on aurait coupé les fils.
Les deux autres créatures s’étaient approchées, leurs yeux vides me fixant tandis qu’elles geignaient.
La chair de poule me parcourut, j’arrivai à me resaisir et je lançai un sort d’éclair sur la plus proche des deux.
Le fin trait de flamme perça le front de l’abomination comme si elle était faite de neige fondue et elle s’effondra.
Avant que je puisse m’occuper de la dernière, le claquement d’une arbalète retentit et le sifflement d’un carreau se fit entendre à ma droite, un trait de bois se matérialisant une fraction de seconde plus tard dans le poitrail de la créature survivante.
La puissance du tir l’envoya bouler cul par-dessus tête, la créature retombant mollement en un tas informe qui commença à se dissoudre.
Me retournant, je remarquais que le reste des créatures étaient vaincues, plusieurs flaques huileuses signalant où chacune d’entre elles étaient tombées.
Mon cœur battait à tout rompre, l’adrénaline de ma course et du combat traversant mes veines me donnait l’impression que je pouvais galoper jusqu’à SeaHorn d’une traite.
La griffonne prit le temps de ranger son arbalète avant de vérifier si ses carreaux étaient récupérables sans rien dire.
La renne aida la zébrelle à se relever et la supporta tandis qu’elles se dirigeaient vers moi.
La zébrelle ricanait et parlait sans discontinuer, d’une voix ivre : “Hi hi hi, t’a *HIPS* t’a vu Korvent *HIPS* Korventenn? Le cône de flaaaaaaaamme là, tu l’a forcément entenduuuuuu toi aus *HIPS* toi aussi. J’te dis, c’tait un draaaagon, ma patte au feuuuuuuu”
La renne leva les yeux au ciel avant de donner une petite tape amicale sur le museau de la zébrelle en me pointant du sabot.
“Arrêtes de dire n’importe quoi Zacaria, tu vois bien que c’est un licorne! Salut, merci pour ton aide, on te doit une fière chandelle ! Sans toi on aurait été pris par surprise par le groupe de monstres venus du nord !”
Elle me tendit un sabot avant de déclarer : “Je m’appelle Korventenn, la zébrelle bourrée là, c’est Zacaria, et la griffonne ronchonne, c’est Gretchen!”
Ne sachant pas comment réagir, je pris le parti de ne rien faire à part me présenter, d’une voix un peu tremblante par la nervosité et le stress du combat.
“Winter Ruby ? c’est marrant comme nom, en tout cas, c’est accordé à ta couleur clairement ! Eh bien Winter, encore une fois, merci de ton aide, vers où tu te diriges ? On va vers Canternia nous, ya un grand renne du nom de Calypso qui nous a mis sur la route avant de nous quitter avant-hier”.
“Eh bien, en fait, je vais aussi vers Canternia, j’ai rencontré le même Calypso hier soir et il m’a donné une carte détaillée du continent.” répondis-je sans cacher ma surprise.
Une voix revêche s’éleva dans mon dos:
“M’étonnes pas, ce cerf a l’air d’être un sacré bourlingueur. Il nous en a donné une à nous aussi, j’parie qu’il en a toute une tripotée qu’il refile à chaque voyageur qu’il croise. Pas que je m’en plaigne, not’ carte montrait à peine les alentours de MistVale, on aurait été bien en peine de trouver une ville avant de tomber à court de bouffe!”
Je me retournai, pour me retrouver face à face avec Gretchen, son arbalète soigneusement accrochée en travers de son poitrail par une sangle.
Elle me donna une tape amicale sur l’épaule, avant de lâcher joyeusement :
“Merci de ton intervention ! J’avais pas vu ces saloperies au nord, j’pense elles nous auraient bouffé. Même avec ça, c’est pas passé loin pour toi, j’t’ai vu éviter de justesse une morsure. Dans le futur, évite de courir comme un dératé vers les gens sans t’annoncer par contre, j’aurai eu un carreau encoché, t’aurai pris un tir, j’ai cru que t’étais une autre de ces bestioles.”
Je m’excusai de mon entrée hasardeuse en me frottant la nuque.
Un ronflement sonore s’éleva soudain, me faisant sursauter, avant de voir que c’était Zacaria qui en était à l’origine.
Korventenn lâcha un petit rire avant d’indiquer à mon attention : “C’est juste Zacaria, elle a encore surdosé avant le combat, elle va bien dormir jusqu’au repas de ce soir et ensuite elle aura mal au crâne.”
Sur ces mots, la zébrelle commença à glisser lentement vers le sol, seul le soutien de Korventenn l’empêchait de finir au sol.
Gretchen secoua la tête d’un air désapprobateur : “ Je lui ai déjà dit d’pas boire la flasque entière. Son alcool est trop fort, un jour, elle va se pioncer au centre d’un champ de bataille et on va d’voir la protéger pendant qu’elle roupille au milieu du combat”.
La griffonne soupira, avant de se tourner vers moi : “Bon, Winter, désolé de te demander ça de but en blanc, là, mais tu peux nous aider à la porter? Elle pèse un âne mort quand elle est bourrée et j’aimerai bien mettre le plus de distance entre nous et ces merdes là avant ce soir.”
*****
En nous mettant à trois, porter Zacaria fut sans grande difficulté, même si ça nous ralentissait considérablement.
Malgré cela, nous parcourûmes plusieurs kilomètres avant de devoir nous arrêter pour la nuit en haut d’une colline.
Après avoir monté le camp, Korventenn s’occupa d’allonger Zacaria, ronflant toujours, dans sa tente tandis que Gretchen préparait le dîner.
Je dus insister longuement avant qu’elle n’accepte que je contribue au dîner en donnant une de mes rations.
Quand le repas fut prêt, le soleil s’était déjà couché, réduisant le monde au cercle tremblant que les flammes du feu de camp éclairaient.
Sans étoiles, la nuit me semblait encore plus noire que dans la forêt de SeaHorn. Je resserrai mon manteau sur mes épaules, plus pour me rassurer que pour me réchauffer.
Korventenn alla réveiller Zacaria, qui se leva en geignant et grommelant:
“Moins fort, Korventenn, moins fort s’il te plait, ma tête est en train de sonner comme une cloche. Est ce que le feu a besoin d’être aussi lumineux ?”
Elle se massa les tempes en gardant les yeux fermés, se dirigeant à l’aveuglette avant de se laisser lourdement tomber à côté de Korventenn près du feu, toujours les yeux fermés.
Je gardai le silence tandis que Gretchen remplissait les bols de tout le monde, terminant par Zacaria.
La zébrelle renifla le fumet du ragoût et ouvrit soudain les yeux, puis attrapa son bol et commença à manger.
Le repas fut rapide, mais nourrissant. Un coup d'œil furtif vers la marmite révéla qu’il resterai bien assez de ragoût demain matin pour servir de petit-déjeuner.
Après avoir mangé, Zacaria se tourna vers moi : “T’es qui toi déjà ? je crois que tu nous a aidé pendant le combat, mais j’ai du mal à me rappeler… Moi c’est Zacaria, mais tu dois déjà le savoir.”
“Je m’appelle Winter Ruby, enchanté. Et effectivement, je me suis occupé du groupe de monstres qui essayait de vous prendre en tenaille ….”
“AAAAAAAAH oui! C’est toi qui a lancé ces sorts qui donnaient l’impression qu’un dragon était là ! Je me rappelle avoir entendu et vu une langue de flamme assez impressionnante, mais ensuite j’ai dû m’occuper d’une créature et après j’me souviens plus de rien !” me coupa-t-elle.
Elle se frotta la nuque puis me sourit largement avant d’ajouter : “En tout cas, c’était chic de ta part de venir nous aider, t’aurais pu partir et nous laisser nous démerder mais t’as décidé de venir prêter main-forte et risquer ta peau, ça c’est rare dans ce monde. Merci !”
Un peu gêné par ses louanges, je ne répondis pas, me contentant de hocher la tête dans sa direction.
Pour détourner la conversation du combat (je ne voulais vraiment pas avoir à l’esprit ces abominations, avec leur peau huileuse comme du goudron, leurs yeux vides sans âme et leurs horribles geignements, pas pour le moment en tout cas), je demandai au trio d’où ils venaient et pourquoi ils allaient à Canternia.
“Hé bien, on vient de MistVale, c’est une ville au Nord/Nord-ouest d’ici, au milieu des montagnes. On est parti parce qu’on est pas vraiment d’accord avec les méthodes des dirigeants.” commença Korventenn.
Gretchen hocha lentement la tête avant d’ajouter : “Ces salopards de moine-guerriers, ils prêchent que le monde doit revenir à son état naturel, qu’on doit arrêter de manipuler le soleil et la lune. Sans vouloir t’offenser Zacaria, je sais que t’en faisais partie, mais bon, ils sont timbrés ces moines !”
Zacaria sourit faiblement et soupira. Une minute passa avant qu’elle prenne une grande inspiration et qu’elle commence à parler.
“Je sais que tu penses pas à mal Gretchen, et je suis d’accord, Burning Star va trop loin, mais c’est quand même mon père adoptif. Il a toujours veillé sur moi, d’aussi loin que je me souvienne. Mais depuis quelques temps, il a changé, ou plutôt une part de lui que je ne connaissais pas est apparu. Maintenant que MistVale est sécurisé, il a commencé à capturer les dissidents et je sais pas ce que son bras droit licorne leur fait, mais quand on les relâche, ils sont totalement gagnés à notre cause.”
Elle déglutit, visiblement mal à l’aise, avant d’ajouter:
“Ce licorne me fout la chair de poule, il a un regard mauvais, sadique même. Je l’ai jamais vu faire de magie, et quand j’ai posé la question à Burning, il m’a dit de ne pas m’inquiéter, que je n’avais pas à me préoccuper de ce genre de choses.”
Elle s’arrêta, visiblement incapable de continuer.
“Et donc, quand Gretchen et moi on a décidé de partir de MistVale après avoir été averti qu’on finirait dans la prison du château si on continuait à s’opposer aux moines.
On s’était croisé par hasard quelques années plus tôt et elle nous a évité de finir en prison quelques fois par le passé.
Quand elle est venue nous voir en nous demandant de l’aider à s’enfuir de la ville, on lui a expliqué qu’on comptait quitter la cité et le lendemain, on était sur la route” finit Korventenn à sa place.
Pendant que Korventenn réconfortait Zacaria, Gretchen me demanda pourquoi je voyageais tout seul.
“Eh ben, ça va sembler égoïste, mais je m’ennuyais dans ma ville natale, enfin mon village. Rien ne s’y passe jamais, mes journées étaient remplies par la copie des livres, l’allumage et l’extinction des torches dans les rues. En plus, depuis longtemps la majorité de mon village ne m’apprécie pas, ils me croient albinos alors ils me disent marqué par l’hiver et en profitent pour me rabaisser dans mon dos.”
Je soupirai avant d’ajouter : “C’était pas le cas de tout le monde dans le village, heureusement, et certains habitants vont me manquer en effet, surtout ma famille, mais bon je pouvais pas rester là bas éternellement et puis, je reviendrai là-bas d’ici un mois pour les rassurer sur ma santé.”
“Mais tu as laissé tes parents là-bas? Tu as pas peur de les inquiéter à mort?” demanda Zacaria d’un air abasourdi.
Je me frottai la nuque d’un air gêné.
“Beeen, non j’ai pas de parents, je suis orphelin depuis tout petit. Juste j’ai deux frères adoptifs et une soeur adoptive, on a grandi ensemble. Et le Meister aussi bien sûr, mais c’est plus mon mentor.”
Zacaria hocha la tête d’un air compréhensif.
“Tu leur as dit où t’allais au moins? Non parce que bon, ils vont quand même s’inquiéter à mort, les gens de ton village qui te tiennent à cœur. C’est pas comme si t’étais parti couper du bois et hop tu vas revenir le soir !” intervint Gretchen
Je leur expliquai que j’avais laissé un mot disant que j’étais parti bien préparé, de ne pas me suivre et que je reviendrai dans un mois environ.
Gretchen fit la moue puis hocha la tête en disant : “Mouais, c’est bien déjà, ils savent que t’es pas parti sans rien et surtout pas sur un coup de tête. Et t’as précisé que tu revenais vite, c’est bien aussi.”
La discussion continua pendant encore une heure ou deux, chacun partageant ses rêves, ce qu’il pensait de ce qu’on allait trouver à Canternia.
Un sourire s’affichait sur mon museau, sans que je l’ai voulu. Dans ce groupe hétéroclite, personne n’avait cherché à me rabaisser, à me questionner sur ma coloration.
Je dus refuser plusieurs fois de l’alcool, proposé par Zacaria, qui proclamait avec fierté que c’était elle qui l’avait fait.
Au moment d’aller dormir, il fut convenu de monter la garde pour éviter d’être surpris par d’autres monstres pendant notre sommeil.
Je pris la première garde, déterminant le temps passé par la combustion des bûches du feu se transformant lentement en cendres.
Quand le feu fut presque éteint, je remis deux bûches dans le feu, et me levai en baillant une fois les flammes relancées, allant réveiller Korventenn qui devait prendre le second tour de garde.
Je m’endormis rapidement, mon sommeil peuplé de rêves concernant une ville parfaite, où tout le monde vivait en harmonie et où l’hiver n’avait pas de prise.
*****
Le reste du voyage se déroula sans incident, pas de blizzard ou de monstres abominables ne nous ralentirent et notre petit groupe finit par arriver en vue d’une ville à flanc de montagne en un peu moins d’une semaine.
Les contreforts de la montagne rendaient l’accès à la ville difficile en dehors du chemin qui amenait à la porte principale, ses murailles semblaient relativement récentes (du moins, par rapport aux images de châteaux des livres que j’avais pu lire).
J’eus une brève pensée pour SeaHorn : comment est-ce que Red, Lollipop et Steel avaient pris mon départ soudain ? Est-ce qu’ils seraient fâchés contre moi quand j’y retournerai ?
Mes questionnements furent de courte durée, car nous étions presque au pied des murailles.
En atteignant la porte, nous fûmes accueillis par deux licornes grises aux crins blanc ramenés en catogan et aux yeux dorés, manifestement frère et soeur, maniant tout les deux des épées avec leur magie.
"HALTE-LÀ voyageurs ! Que venez-vous faire à Canternia ?”
Chacun d’entre nous expliqua ses raisons pour être ici, et notre rencontre avec Calypso.
Quand ce nom fut mentionné, un grand sourire éclaira le visage du licorne mâle, adoucissant ses traits tirés et son air sévère.
“Si Calypso vous a dirigé vers Canternia, c’est qu’il a senti que vous étiez digne de confiance. Pour trouver la guilde des Gardiens et vous engager, si c’est ce que vous souhaitez, continuez toujours tout droit sur la grand-rue et ce sera le premier bâtiment avant la muraille intérieure. Dites à Vorondil que vous venez de la part de Calypso et il vous expliquera tout.”
Il se présenta comme étant Henry Impact, et sa sœur comme étant Alexa Impact. Des noms étranges à mes yeux, mais qui étais-je pour juger? Le monde était grand et moi bien peu de choses à côté.
Je le remerciai chaleureusement avant de me diriger dans la direction qu’il nous avait indiqué, tandis qu’une neige fine commençait à tomber.
Zacaria, Gretchen et Korventenn m’emboitèrent le pas aussitôt, et en quelques minutes nous étions arrivés à notre destination.
C’était une grande taverne, située juste à côté d’une muraille plus ancienne mais en bon état, avec un écriteau indiquant en grande lettre “Guilde des Gardiens”.
Une double porte de chêne servait d’entrée. Timidement, j’entrais à l’intérieur, et la chaleur accueillante de la salle me frappa.
Des braseros éclairaient la pièce de manière uniforme, des tables remplissant l’espace entre les murs et le bar tenu par un cerf. Un escalier montant vers l’étage se trouvait dans le coin nord-est de la pièce.
La salle était remplie de monde, mais sans que ce soit étouffant, une grande partie des tables déjà occupées par des groupes de poneys et d’autres créatures.
Deux tables faisaient exception, une grande table vide, dans le coin est de la salle, au plus loin du bar et une petite table ronde, occupée par un griffon au plumage semblable à celui d’un faucon hobereau.
Curieux, je jetai un œil vers le griffon avant qu’une ponette n’arrive en trombe avec un balai en nous houspillant de nous décrotter les pattes avant qu’on salisse son sol tout propre.
Reculant précipitamment, je me dépêchai de nettoyer mes sabots tandis que mes compagnons de route firent de même.
Nous nous installâmes à la grande table vide, tandis que le cerf sortait de derrière le bar et s’approchait de nous d’un pas rapide, portant des plats grâce à des lianes magiques.
Quand il fut proche, je remarquais qu’il boitait légèrement et qu’il lui manquait la patte arrière droite, remplacée par une prothèse faites elle aussi de liane.
En arrivant à notre table, il posa un bol en bois rempli de nourriture devant chacun de nous, en clamant d’une voix accueillante : “Bien le bonsoir, voilà le plat du jour, ne vous en faites pas, c’est gratuit pas besoin de chercher quoi que ce soit à troquer pour payer.”
Il s’installa sur un siège vide et nous demanda comment et pourquoi nous étions venus à Canternia.
Comme pour les gardes à la porte, chacun de nous expliqua tour à tour ses motivations, ses espérances.
Vorondil nous écoutait sans rien dire, hochant simplement la tête de temps en temps pour nous encourager à continuer.
Quand j’eus fini de parler, le cerf me regarda fixement dans les yeux, avant de hocher la tête d’un air entendu, ayant clairement compris que je restai vague à propos de mon village natal, mais sans arrière pensée.
Il se laissa aller contre le dossier de sa chaise avant de nous répondre.
“Eh bien, j’imagine que Calypso ne vous aurait pas conseillé de venir par ici si vous n’aviez pas fait bonne impression, il est généralement bon juge des gens qu’ils nous envoient, on a jamais eu à se plaindre des recrues qu’on a gagné grâce à lui. On a pas mal de nouvelles recrues récemment, comme vous pouvez le voir. Le dernier arrivé, c’est le griffon là derrière vous, mais il est pas très causant.”
Il pointa vers le griffon solitaire que j’avais remarqué plus tôt, au plumage de hobereau, avant de continuer.
“ Du coup, je vais vous expliquer en quoi consiste la guilde, nos missions, ce qui pourra vous être demandé, et aussi un peu l’histoire de Canternia.
A la base, Canternia a été fondée par les batponys, sous la férule d’Olga. Ils ont monté le manoir avec les murailles que vous voyez juste à côté de la guilde, quelques dizaines d’années avant que Star Swirl les rejoigne avec les premiers Veilleurs, qui s’occupent du soleil…
Après ça, le manoir est devenu le quartier général des Veilleurs en plus de sa précédente fonction de place forte d’Olga.
Olga a commencé à recruter des voyageurs sans point d’attache pour transformer la zone autour du manoir en cité libre, accueillant tout le monde, sans discrimination de race.
Au fur et à mesure, la ville a gagné des habitants, et elle continue à en gagner à ce jour et compte plusieurs quartiers : le quartier de la Lune, le quartier commerçant, le quartier Argent, le quartier Or, le Vieux Quartier, le quartier Boréal, les quartiers du Petit et Grand Flocon, le quartier du Frimas et le quartier du Soleil, le plus récent et qui accueille la majorité des nouveaux arrivants.
Les Gardiens ont plusieurs rôles : ils peuvent tout aussi bien servir de gardes aux portes de la cité, comme Henry et Alexa que vous avez dû croiser, ou être envoyé pour des missions diverses, variant de la mission diplomatique à la neutralisation de menaces et sécurisation d’une zone dangereuse.
Le but de la ville est maintenant d’être un havre de paix pour les réfugiés de l’hiver éternel et de tisser des liens avec les différentes cités ayant le même état d’esprit, sur ce continent et ailleurs.
Des questions?”
J’hésitai un court instant, réfléchissant et digérant mentalement les informations que le cerf nous avait fournies. Une des informations n’avait pas de sens pour moi, les batponys. Je n’avais jamais entendu parler d’une telle race, même dans les livres de légendes les plus obscurs.
“Pardonnez-moi, Vorondil” commençai-je.
Il m’interrompit d’un mouvement de patte.
“Hop là, je t’arrête de suite, on va se tutoyer. Je suis pas un noble et j’aime pas qu’on me vouvoie, Winter. Donc si tu pouvais me tutoyer, ça m’arrangerait beaucoup” me dit-il avec un clin d'œil amical.
Un peu surpris, je continuai: “Pardon, Vorondil, du coup, je voulais te demander, qu’est ce que tu entends par batpony ? j’ai jamais entendu parler de créatures portant ce nom, à ma connaissance, seules trois races de poneys existent: terrestre, pégase et licorne.”
Le cerf me sourit avant de répondre : “Hé bien, je ne peux pas t’en dire beaucoup plus, à part qu’ils existent bien, on en a quelques-uns dans la ville.. Ils ressemblent à des pégases, à part qu’ils ont des crocs assez visibles, et des ailes ressemblant à celle de chauve-souris, d’où le nom. Si un jour tu en as l’occasion, tu pourras demander à Olga si tu es curieux, mais je doute qu’elle t’en dise plus.”
Je hochai la tête pour le remercier de sa réponse, digérant la nouvelle.
Vorondil continua à nous expliquer le rôle des gardiens, expliquant que le gîte et le couvert étaient fournis à chaque gardien, en échange de missions, sans cacher le caractère dangereux des missions en nous montrant sa patte manquante.
Après quelques minutes de réflexion, je donnai ma réponse à Vorondil : je ferai partie de la Guilde des Gardiens.
Gretchen, Korventenn et Zacaria donnèrent la même réponse et Vorondil partit brièvement pour revenir avec un registre et de quoi écrire.
“Bon, épelez-moi vos noms, races et spécialités de combat, et on verra plus tard comment on va vous assigner en fonction de vos capacités.”
Je redis mon nom, ma race à Vorondil.
“Très bien, et ta spécialité de combat Winter ? Vu ton bâton, j’en déduis que tu sais te battre au corps-à-corps ?”
Je me frottai la nuque avant de répondre : “En effet, mais mon véritable talent, c’est les sorts avec un aspect de flammes, comme le sort d’explosion, de cône de feu ou l’éclair de flamme.”
“Intéressant, je note quand même que tu sais te servir de ton bâton en combat rapproché, c’est bien le cas ?”
Je hochai la tête, et Vorondil passa à mes compagnons de route, notant leurs capacités de combat.
Une fois qu’il eut terminé, il souffla sur la page qu’il avait remplie avant de refermer le livre et nous sourire.
“Hé bien, toutes mes félicitations, vous êtes maintenant officiellement membres de la Guilde des Gardiens de Canternia!”