Chapitre 4 - Épilogue
Guillaume Premier remontait d'un pas vif le long couloir couvert de moquette bordeaux. Des tapisseries de batailles et de héros dont il n'avait jamais entendu parler décoraient les murs, chacune admirablement détaillée. Il essaya pendant un moment de deviner ce qu'elles représentaient, mais il avait déjà mille autres pensées en tête.
Une longue rangée de robustes étalons en armure le salua quand il passa devant eux. Leurs visages ne reflétaient pas la moindre émotion. Avec leurs plastrons dorés, ils ressemblaient autant à un bataillon de soldats qu'à une exposition de sculptures. Même si aucun d'eux ne bougea, il sentait leurs regards dans son dos.
Il se dépêcha de tourner à droite, le regard rivé sur ses chaussures. Les poneys d'Equestria l'avaient toujours mis un peu mal à l'aise. Ils lui semblaient trop irréels, trop pas de ce monde, trop improbables par rapport au reste de la planète. À chaque fois qu'il se demandait comment il pouvait être encore en vie au bout de trois mille ans, il pensait à eux, et ça allait mieux.
Il secoua la tête, puis continua le long du couloir jusqu'à rejoindre une grande entrée en marbre. Plusieurs poneys bien habillés attendaient devant. Un groupe de gardes se tenait à côté, ainsi qu'une jument à l'air nerveuse qui tenait un bloc-notes. À bien y regarder, il s'agissait d'une licorne au pelage lavande bien lustré et à la belle crinière violette.
Alors qu'il s'approchait, elle sursauta de surprise et fonça vers lui.
– Bonjour, dit-elle avec enthousiasme. Je m'appelle Twilight Sparkle, assistante officielle, élève et bibliothécaire de la princesse Célestia d'Equestria. Vous devez être Guillaume Premier !
Elle tendit le sabot en souriant, pleine d'espoir. Ravalant ses craintes, Guillaume avança la main et attrapa l'extrémité de son sabot du bout des doigts. Ils échangèrent ensuite la poignée de mains/sabots la moins ferme et la plus hésitante de toute l'histoire du monde.
– En-en-enchanté de vous rencontrer, bredouilla-t-il.
L'assistante retira maladroitement son sabot et retourna à son bloc-notes.
– Voyons voir... Alors… Ah, voilà ! La princesse m'a demandé de vous guider vers sa table. Si vous voulez bien me suivre…
Elle fit un geste pour qu'il la suive à travers l'entrée. Il s'exécuta sans dire un mot.
La salle de banquet était tout le contraire de ce à quoi il s'attendait pour une réunion de nobles. De la musique s'élevait de tous les côtés et le bruit des conversations entre membres de la haute société équestrienne résonnait à travers tout le bâtiment. Des éclats de rire se faisaient entendre ici et là, ajoutant au chaos ambiant.
Des serveurs licornes zigzaguaient gracieusement parmi la foule, des plats garnis de hors-d'œuvre raffinés lévitant derrière eux. Tels des explorateurs dans la jungle, Guillaume et son guide devaient se baisser et se faufiler pour éviter les perruques exubérantes, les robes et les costumes chics qui remplissaient le moindre espace libre.
Le cliquetis de l'argenterie qui s'élevait de chacune table devenait insupportable ; il résonnait tellement fort aux oreilles de Guillaume qu'il ne pouvait plus rien entendre d'autre. Un poney tomba en face d'eux et renversa son verre de cidre sur le tapis, aussitôt suivi par une explosion de rires. Une vieille jument bouscula Guillaume pour mieux voir le spectacle, avant de se mettre à l'insulter en hurlant. Twilight l'attrapa par la main et tira pour le faire sortir de ce chaos et continuer à avancer.
Pour Guillaume, c'était un cauchemar. Il était heureux que la jeune jument soit avec lui. Sans elle, il se serait immédiatement noyé dans cette mer d'équidés en robes, sans la moindre idée d'où aller, perdu pour l'éternité. Plus le duo s'enfonçait dans la foule, plus il s'accrochait à elle.
Ils atteignirent un des murs de la pièce, puis le longèrent jusqu'à enfin atteindre une porte. Elle était en bois, avec une petite fenêtre en verre dépoli pour masquer ce qu'il y avait derrière. La licorne l’ouvrit avec sa magie et fit signe à Guillaume d'entrer. Il tomba presque en avant à travers l'ouverture, trop heureux d'enfin laisser cet enfer derrière lui. Twilight franchit la porte à son tour et la ferma derrière elle.
Ils se trouvaient dans une salle aux murs blancs avec un sol couleur crème et un plafond bas. Une lumière claire comme celle du jour tombait par au-dessus.
Guillaume se décolla du mur et respira plusieurs fois à fond.
– Quelle folie !
Twilight afficha un petit rictus.
– Oui, ça arrive parfois dans ce genre de fêtes. Pour être honnête, je n'ai jamais pu l'étudier moi-même, mais j'ai une amie qui a fait des recherches assez approfondies sur le sujet.
– Sur les fêtes ?
– Les fêtes, les soirées, les sauteries, ce genre de choses. S'il existait des études en science des fêtes, elle aurait déjà son doctorat.
– Vous avez des amis intéressants, madame Sparkle, vous le savez ?
Elle haussa les épaules avec bonne humeur.
– On peut dire ça comme ça.
Elle jeta un regard rapide autour d'elle, puis se tourna à nouveau vers lui.
– On continue ?
– Allons-y, approuva Guillaume.
Ils reprirent leur chemin d'un pas rapide. Le couloir qu'ils remontaient à présent avait l'air bien plus moderne. Ils croisaient de temps en temps d'autres portes avec des fenêtres en verre dépoli, mais ils continuaient tout droit.
Ils s'arrêtèrent devant une grande double porte d'apparence moderne, avec des chandeliers dorés de chaque côté. Il n'y avait aucun indication, mais elle avait l'air étrangement officielle. La jument se tourna vers Guillaume, nerveuse. Elle prit une grande inspiration, puis souffla par les naseaux.
– Et bien, nous y voilà. La princesse et le daimyo sont de l'autre côté. Si vous voulez vous donner la peine d'entrer…
Elle ouvrit la porte pour le laisser passer.
Le contraste était total par rapport à la pagaille qui régnait de la salle de banquet. Il s'agissait d'une salle à manger privée de taille moyenne, avec un sol en marbre, des tentures mauves et une autre double porte du côté opposé. Une grande baie vitrée s'ouvrait au milieu de la pièce, menant à un balcon duquel on pouvait voir tout Canterlot. Le mobilier se résumait à une table, dressée à côté de la fenêtre.
Célestia et Oda étaient déjà installés, assis autour d'un plat de sandwiches miniatures. Ils se tournèrent vers Guillaume et sa guide, la bouche pleine.
– Twilight ?! s'étonna la princesse en postillonnant des miettes. Pourquoi ne m'as-tu pas dit que Guillaume était arrivé ? Je l'attends depuis une heure.
L'assistante inclina la tête.
– Je suis désolée, Princesse. J'ai pensé que vous l'amener directement serait plus rapide que d'envoyer un message. Tous mes excuses pour cette erreur.
Célestia leva le sabot en souriant.
– Ce n'est rien, Twilight, tu as fait ce que tu pensais être le mieux. Merci de l'avoir amené ici. Maintenant, nous sommes prêts à ouvrir les festivités.
– On dirait que c'est déjà fait, marmonna Guillaume.
L'assistante s'inclina à nouveau.
– Je vais vous laisser, alors. J'ai été très heureuse de parler avec vous, stathouder Guillaume, ajouta-t-elle en se tournant vers lui. Bonne soirée.
Elle lui adressa un dernier sourire puis quitta la salle au trot. Le visage de Guillaume était devenu tout rouge et son cœur battait la chamade.
Oda sourit malicieusement.
– Et bien, qui aurait cru que le grand Guillaume d'Orange plaisait autant aux dames ! dit-il quand la jument fut partie.
– La ferme, grommela Guillaume.
Il prit place à la longue table de bois, en face de Nobunaga et à côté de Célestia. Plutôt que de s'asseoir loin les uns des autres comme des étrangers, ils avaient décidé de s'installer tous les trois au même bout de la table.
Guillaume retroussa ses manches en soie et mit quelques hors-d'œuvre dans son assiette.
– Je pensais que nous dînerions dans le hall principal, vu que toute votre noblesse s'y trouve.
Célestia leva les sourcils.
– Vous voulez vraiment dîner dans cet asile de fous ?
– Pas pour tout l'or du monde, dit-il en secouant la tête, un sourire aux lèvres.
La princesse fit léviter un sandwich jusqu’à sa bouche et le mangea avec toute la grâce qui sied à un monarque, faite de bruits de mastication et de miettes volant en tous sens.
– Nous célébrons un grand évènement, ce soir, annonça-t-elle. Quelqu'un au Comité d'Organisation des Fêtes a fait un peu trop de zèle, c'est pourquoi nous avons trois fois plus d'invités que d'habitude.
– H'est à hire ha hoihié hu hays, rigola Oda, la bouche pleine de fromage.
– Par pitié, avalez avant de parler ! le gronda Guillaume, exaspéré.
Célestia et Oda éclatèrent de rire, amusés qu’il se fâche ainsi. Guillaume finit par sourire à son tour. Il n'avait pas souvent l'occasion de passer du temps avec des amis, et encore moins souvent celle de vraiment en profiter, mais c'était dans ces moments-là qu'il se rendait compte à quel point c'était agréable de rire un bon coup et d'être positif. Il se disait qu'il devrait le faire plus souvent.
Trois serveurs licornes entrèrent, avec trois plats lévitant au-dessus de leurs têtes. Ils étaient maintenues en l'air par d'étranges auras lumineuses, qui les entouraient complètement sans toucher ce qu'il y avait dedans. Guillaume avait déjà vu des licornes faire de la magie avant, mais il était à chaque fois émerveillé de le voir se produire devant lui. La bouche ouverte, il regarda les serveurs disposer les plats sur la table puis quitter la pièce aussi sec.
Le menu était composé d'une belle sélection de viandes, d'un grand plat de salade et d'une énorme pile de raisins. Sans perdre un instant, ils attaquèrent.
***
Le festin fut rapidement terminé. Ils avaient dévoré tout ce qu'on leur avait servi et il leur faudrait au moins une semaine pour tout digérer. La princesse suggéra ensuite qu'ils aillent prendre l'air sur le balcon, avant de faire leur apparition officielle.
Ils se tenaient en ce moment sur la grande plateforme de pierre, accrochée loin au-dessus des toits de Canterlot, admirant les lumières de la ville. Un vague grondement leur parvenait ; les bruits de la rue montaient jusqu'à eux, atténués par la distance.
– C'est magnifique, dit Guillaume, émerveillé. C'est à vous couper le souffle. J'aimerais pouvoir venir plus souvent.
– Oui, approuva Oda. Je n'ai jamais rien vu de tel auparavant. C'est tellement… exotique.
– Merci pour ces compliments, sourit la princesse.
– De rien, répondirent à l'unisson le daimyo et le stathouder.
Ils restèrent debout, silencieux, à contempler les lueurs de la ville. La lumière avait quelque chose de spécial ici, quelque chose de différent par rapport à ailleurs. Elle possédait un scintillement, un éclat qu'on ne retrouvait nulle part dans le monde. Sa chaleur était plus accueillante qu'un feu de cheminée.
Guillaume inspira profondément. La magie de la lumière sembla se dissiper.
– Alors ? commença-t-il maladroitement. Comment vont les choses, de votre côté ?
– Les Français font des difficultés, répondit Oda. Ils réclament les dernières zones non encore revendiquées entre nos territoires. C'est à qui enverra un colon en premier. Mais ils ont perdu d'avance, ils ne le savent juste pas encore.
Guillaume se tourna vers Célestia.
– Et vous, Princesse ?
Au lieu de se tourner vers lui, elle continua à admirer la ville.
– Un espion américain a essayé de nous voler l'industrialisation, encore. Il est mort, mais ce n'est pas passé loin.
Guillaume hocha du chef, sans rien dire. Il regarda à nouveau la ville, mais il n'était pas assez détendu pour pouvoir vraiment en profiter. Il se tourna à nouveau vers ses deux amis.
– Vous pensez que ça en valait la peine, de faire ce que nous avons fait ?
Ils ne le regardèrent pas directement, mais il pouvait sentir que la question les mettait mal à l'aise. Il attendit patiemment qu'ils répondent.
– Oui, dit Oda. C'était la meilleure chose à faire. Et nous en sommes sortis indemnes, sans avoir subi de dommages. Rien que pour ça, je pense qu'on peut dire que c'était le bon choix.
– Je suis d'accord, approuva Célestia. Je sais que ça a eu l'air cruel sur le moment, mais nos pays auraient été ravagés aussi si nous n'avions pas fait bloc.
Guillaume regarda au loin, incertain. Il se gratta la nuque avec lenteur.
– Mais vous ne pensez pas que c'était mal, de tourner le dos à tout le monde ? Tous ces gens, tous ces civils… J'ai le sentiment que nous aurions pu l'éviter.
– Mais comment ? demanda Célestia.
– Je l'ignore… répondit-il tristement.
– Alors c'est que nous n'aurions pas pu, le rassura Oda.
Guillaume s'éloigna de quelques pas, une grimace sur le visage. Il s'appuya contre la rambarde et soupira.
– Mais les pays les plus petits, les plus faibles ? Ils n'avaient pas la moindre chance. Le reste du monde est en ruine, alors que nous sommes indemnes et heureux.
Oda leva un sourcil.
– Et n'est-ce pas une bonne chose ? N'est-il pas bon qu'alors que le monde panse ses plaies, nous soyons ici, sains et saufs, à l'abri de tout danger ?
– Je pense juste que nous devrions aider. Offrir un peu d'or à ceux qui en ont le plus besoin. Dans des temps comme ceux-ci, nous pourrions au moins faire preuve de charité.
Oda posa la main sur une des nombreuses épées à sa ceinture et s'approcha lentement de Guillaume.
– Pensez-vous vraiment que nous devrions faire ça, Guillaume ? Pensez-vous vraiment que nous devrions offrir de l'or à ceux qui nous détestent ? Le reste du monde ne nous appréciera jamais, même les plus petits pays. Nous contrôlons les empires les plus avancés de la planète, au niveau économique, technologique et militaire. Il est vain d'espérer qu'ils voient un jour au-delà de ça.
– Mais ça ne peut pas être vrai ! dit Guillaume, indigné. Il ne peuvent pas tous nous détester. Et pourquoi le feraient-ils, d'abord ?
Oda le regarda avec gravité.
– Ils nous détestent parce que nous sommes forts et qu'ils sont faibles. Parce que nous avons tout et pas eux. Parce que nous avons su voir plus loin qu'eux et que nous avons décidé de ne pas nous entre-tuer. Nous avons réussi et ils ont échoué, et ils essaieront de nous tuer pour ça.
Guillaume détourna le regard de la ville, surpris.
– Que voulez-vous dire ?
Le daimyo ferma les yeux.
– Il m'est récemment venu à l'esprit que, peut-être, nous avions oublié quelque chose d'important concernant notre alliance. Oui, tant que nous sommes tous les trois unis, c'est nous qui détenons le pouvoir, mais si les choses changeaient ?
– Comment cela ? demanda Guillaume.
– Qu'arriverait-il si ces pauvres sots se rendaient compte que c'est en nous alliant que nous nous en sommes sortis, et qu'ils décidaient de faire de même ? S'ils mettaient leurs ressources en commun et s'unissaient contre nous ? Oui, ils sont encore à l'ère de la Renaissance, et nous, nous avons des mitrailleuses, mais même ça ne suffirait pas s'ils nous envoyaient tous leurs mousquetaires et leurs canons en même temps.
Célestia s'éloigna du balcon et revint vers la baie-vitrée.
– Le futur est toujours incertain. Il ne se dévoile complètement qu'à la toute dernière minute. Nous ne pouvons rien y faire pour l'instant. Nous trouverons une solution, comme toujours, mais pour le moment, amusons-nous un peu. Nous l'avons mérité.
Guillaume hocha de la tête, sa confiance retrouvée.
– Vous avez raison, Célestia. Nous nous occuperons de cela une autre fois. Allons nous amuser.
– J'imagine que nous allons devoir nous mêler à la noblesse, à présent, Princesse ? demanda Oda en la suivant dans la salle à manger.
– Non, répondit-elle simplement. Nous allons sur le terrain de balle-éclipse.
– Quoi ?! répondirent les deux autres à l'unisson.
– J'ai demandé à Twilight d'informer les invités que je ne me sentais pas assez bien pour faire une apparition publique. Mais ne vous en faites pas, ils recevront tous un cadeau avant de rentrer chez eux.
– Vous êtes sûre qu'ils seront d'accord ? demanda Guillaume.
– Ils ont déjà connu pire. Et puis, plus longtemps ils restent, plus les frais de nettoyage s'envolent. Pensez un peu à l'équipe de ménage…
– Mais, Princesse ? demanda Oda, inquiet. Nous ne savons pas jouer à balle-éclipse.
Célestia le rassura d'un geste du sabot.
– Oh, c'est facile. On s'envoie une balle gonflée d'air en tapant dedans avec des raquettes en bois. Ça ressemble beaucoup au tennis, sauf que la balle rebondit moins.
– Ça veut dire qu'elle rebondit, ou pas ? demanda Guillaume.
– Elle rebondit, mais pas aussi bien.
– Elle rebondit comment, alors ? demanda Oda.
– Pas beaucoup. Peut-être un mètre, pas plus.
– Pourquoi on ne joue pas au tennis, plutôt ? Je suis bien meilleur à ça.
– Oui, moi aussi, approuva Guillaume.
– Non ! éclata Célestia. Si j'ai fait construire exprès deux terrains de balle-éclipse en béton au milieu des jardins royaux, c'est pour jouer à balle-éclipse !
– Mais c'est parfait, continua Guillaume. S'ils sont en béton, on peut y jouer au tennis aussi, et s'il y a un filet c'est encore mieux. Il y en a un, de filet ?
Célestia se frappa le visage du sabot.
– Oui, il y a un filet.
– Alors ce sera tennis ! cria triomphalement Oda.
– Non ! cria à nouveau Célestia. On ne peut pas faire au moins une partie de ten– je veux dire de balle-éclipse ? Juste une ?
– D'accord, mais après nous ferons deux parties de tennis, puisque moi et Guillaume voulons tous les deux y jouer.
– Guillaume et moi, corrigea Guillaume.
– Peu importe.
Célestia soupira.
– Et pourquoi pas deux parties de tennis et deux parties de balle-éclipse, pour que ce soit équitable ?
– Je ne sais pas, répondit Oda. Ce serait surtout avantageux pour vous, vu qu'il n'y a que vous qui voulez jouer à balle-éclipse.
– Si, ce serait équitable, dit Guillaume. C'est le château de Célestia, alors elle a une voix en plus.
Oda hocha de la tête.
– Vous marquez un point. Mais elle ne nous a toujours pas expliqué les règles.
– Si, je l'ai fait dès le début, répondit Célestia.
– Non, vous avez juste dit que c'était comme au tennis, mais vous ne les avez pas détaillées, répliqua Guillaume.
Oda leva les mains pour calmer ses amis.
– Recommençons depuis le début…
Il fallut une heure pour que le trio décide enfin ce qu'ils allaient faire. Le temps qu'ils arrivent aux jardins royaux, il était déjà presque l'heure de rentrer. Oda et Guillaume étaient censés retourner à leurs hôtels respectifs, en ville, et Célestia devait aller dormir pour pouvoir lever le soleil le lendemain.
Ils n'en firent cependant rien. À la place, ils restèrent debout jusqu'aux petites heures, à se lancer balle après balle, les envoyant dans toutes les directions sans se soucier d'à quel jeu ils jouaient vraiment. Balles de tennis, de balle-éclipse, balles de kickball et balles en mousse volaient de l'un à l'autre, renvoyées dès qu'elles arrivaient à portée de raquette. Le terrain finit par être couvert d'accessoires de sport en tout genre, si bien qu'on n'aurait pas su dire à quoi on y avait joué.
Mais au bout d'un moment, à mesure que le ciel s'assombrissait et que l'épuisement les gagnait, les trois amis décidèrent à l'unanimité qu'il était temps de se séparer. Chacun prit alors congé des autres, en espérant pouvoir se revoir avant que Guillaume et Oda ne s'en aillent, à la fin de la semaine.
Alors qu'il traversait les jardins pour quitter le château, Guillaume leva le regard vers le grand bâtiment de pierre, dans lequel il avait passé la majeure partie de la journée. Il sourit dans sa barbe en se remémorant les dernières heures. Les souvenirs qu'il s'était faits aujourd'hui, il sentait qu'il les garderait toute sa vie. Les mains dans les poches, il continua son chemin à travers les buissons et les arbustes, sifflotant joyeusement dans la nuit.
Et non, nous ne saurons jamais exactement en quoi consistait le plan génial de Guillaume...
Je précise au passage que, contrairement à ce qu'on peut lire dans la fiction d'origine, Guillaume Ier d'Orange-Nassau (Willem van Oranje en néerlandais ; à ne pas confondre avec Guillaume Frédéric d'Orange-Nassau, également appelé Guillaume Ier, mais qui a vécu 250 ans plus tard) n'a jamais porté le titre de roi ; il était "stathouder" (littéralement : "gardien de l'état"). Je me suis permis de le changer, pour faire plus authentique.
Quoi qu'il en soit, j'espère que vous avez aimé autant que moi cette aventure étonnante pleine d'intrigues, de coups de gueule et d'amitié !