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Chapitre unique

C'était un Jour Parfaitement Ordinaire à Poneyville™, mais la signification de cette phrase avait quelque peu changé ces derniers temps. À peine cinq ans plus tôt, la simple vue de Zécora avait suffi à plonger la ville dans la panique, Applejack y compris. À l'époque, les changelins n'étaient qu'un mythe, les griffons étaient des criminels fauteurs de troubles et on ne savait rien des yacks…

Le changement était une bonne chose, même s'il fallait du temps pour s'y habituer. Applejack, comme tout le monde, avait eu des réserves, mais en tant qu'Élément de l'Honnêteté, elle devait montrer l'exemple et accueillir tous les nouveaux venus à sabots ouverts. Même les plus timorés et les plus querelleurs des poneys terrestres avaient suivi son exemple. En retour, ils avaient noué des amitiés telles qu'ils n'en avaient jamais rêvées.

Grâce à l'école de Twilight, Poneyville était devenu un point de passage important. Touristes, diplomates et autres arrivaient de partout, depuis le Yakyakistan jusqu'à Hippoville. Il était toutefois encore rare de voir des changelins, en particulier le jour du marché. L'un d'eux – ou plutôt l'une d'elles – s'approchait d'Applejack, sans montrer la moindre trace de cette timidité qui caractérisait pourtant désormais leur espèce. Applejack lui adressa un sourire. Elle le lui retourna aussitôt, pas gênée le moins du monde par ses crocs. Son corps était jaune et sa tête orange vif. Elle sortit deux pièce de sa sacoche et les envoya sur le comptoir.

– Salut, Applejack ! Un sac, s'il te plait. Des jonagold si tu en as, n'importe quoi de rouge sinon.

– Ça roule, dit Applejack.

Elle commença à emballer les pommes, tout en s'étonnant, avec quelques secondes de retard, qu'on l'appelle par son nom de façon si familière. Mais bon, elle était célèbre, aussi difficile à croire cela fut-il.

Elle posa le sac sur le comptoir en souriant. Si ce changelin voulait se montrer amical, ça lui allait parfaitement.

– Et voilà ! Ravie de vous rencontrer, au passage. Qu'est-ce qui vous amène dans notre petit coin d'Equestria ? Vous rendez visite à Ocellus ?

La changeline ouvrit puis ferma la bouche, avant d'éclater de rire.

– Oh ! Oh, j'ai compris. C'est ma faute.

Une bouffée de flammes oranges l'entoura. La changeline fut remplacée par une ponette jaune à la crinière orange carotte.

– Désolée pour ça. Pas étonnant que ça t'ait embrouillée.

– Golden Harvest ? demanda Applejack en reconnaissant sa voisine de toujours. Eh, dis-donc, toi ! Ce n'est pas poli de prendre l'apparence d'autres poneys, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils.

– Mais c'est moi, Jackie-Wackie.

Applejack cligna des yeux en entendant son surnom d'enfance – en vérité, Goldie avaient toujours été la seule à l'appeler comme ça. La changeline sourit nonchalamment, tout en mettant les pommes dans sa sacoche.

– Je n'ai remplacé personne. Je n'ai juste plus besoin de me cacher, maintenant.

– Attends un peu, dit Applejack. Et tes parents ?

– Quoi, mes parents ? Si tu penses qu'il s'agit d'échange de bébés ou un truc dans le genre, ne t'en fais pas. Ce sont des changelins aussi.

– Mais ta famille possède cette ferme à carottes depuis cent ans !

– Cent-cinquante-sept ans, corrigea Goldie. Mon grand-père a aidé le tien à l'époque du mildiou, tu te souviens ? J'imagine que ce n'était pas complètement altruiste, mais tu ne peux pas nier que nos deux familles se sont plus d'une fois serré les coudes en cas de coup dur.

– Altruiste ?

– Ouais, dit Goldie, un peu gênée. En fait, pas du tout. Ou alors un peu ? C'est vrai qu'aider la Ferme de la Douce Pomme à s'en sortir était ce que tout bon voisin aurait fait, et je ferais pareil pour n'importe qui, mais c'était surtout pour vous, et vos pommes. Sans ta famille, nous aurions rejoint la Reine Chrysalis il y a des années, et adieu tout ça.

Elle haussa les épaules.

– En tout cas, c'était sympa de te voir. C'est la saison de la récolte pour les carottes, tu sais ce que c'est. Je dois filer.

– A-attends ! – un million de questions submergèrent l'esprit d'Applejack. Qu'est-ce qu'elles ont, mes pommes ?

– Tu les cultives avec amour, bien sûr, Jackie-Wackie. Tu t'en vantes à tout bout de champ, d'ailleurs. Tu donnes des noms aux arbres, tu leur lis des histoires, et tout... Bon, à plus tard.

Elle pivota des talons et s'en alla. Elle avait déjà fait plusieurs pas quand le cerveau surchargé d'Applejack parvint enfin à sortir une autre question.

– Attends ! Combien de changelins vivent ici ?

– Je ne sais pas, répondit Goldie par-dessus son épaule. Cinquante ? Cent ? Peut-être plus, je n'ai jamais vraiment compté.

 

***

 

Avant que Twilight n'arrive, Poneyville comptait environ deux-cent habitants.

Le marché se poursuivit comme d'habitude. Une matinée tranquille – surtout des fermiers qui s'achetaient des choses les uns aux autres, puis un bref pic quand les poneys venaient acheter à déjeuner ou faire leurs courses pendant la pause de midi, puis un autre plus long quand les bureaux fermaient ; le marché bourdonnait alors d'activité.

Presque tout le monde visitait le stand d'Applejack. Amis et voisins, anciens camarades de classe, et même d'autres fermiers venaient faire leurs achats chez elle. Mais c'était normal, non ? N'importe quel garde-manger se devait de contenir des pommes. Applejack en mangeait à chaque repas, sous une forme ou une autre, et elle achetait des carottes chez Goldie et des fraises chez Strawberry de la même manière qu'elles achetaient des pommes chez elle.

Elle en passa deux sacs à Caramel, qui les lui paya quatre pièces. Même Applejack aurait eu du mal à finir deux sacs de pommes en une semaine.

Lui, il achetait ça toutes les semaines. Elle n'y avait jamais pensé jusque-là.

Bon. Applejack était un poney du genre direct. Elle ne perdait pas son temps à hésiter ou à se poser des questions ; elle, elle allait tout de suite au fond des choses. Dès lundi, elle se rendit à l'hôtel de ville et demanda à Madame le Maire de convoquer une réunion. La vieille jument ne fit pas d'histoires. Le fait qu'Applejack soit à la fois un membre important de la communauté locale et une héroïne nationale n'y était sans doute pas pour rien.

Cette fois, Applejack ne l'interrompit pas pendant qu'elle faisait ses éloges. Elle se retrouva bientôt sur le podium devant l'hôtel de ville, face à une mer de visages familiers et souriants.

Elle se força à sourire. Évidemment, elle n'avait pas pensé à ce qu'elle allait dire.  Madame le Maire se tenait derrière elle, un sourire poli aux lèvres.

– Euh… salut, tout le monde, bredouilla Applejack.

– Salut, Applejack, répondit docilement la foule.

Au moins, ça lui permit de démarrer.

– Donc, hum… D'abord, je tiens à tous vous remercier et à vous féliciter. Un tas de gens étranges sont passés en ville ces dernières années, et aucun n'a pu dire qu'à Poneyville, on n'était pas amicaux. Je suis fière que personne ne se soit mis en tête que des gens n'auraient pas leur place à Poneyville juste parce qu'ils ont l'air différents.

Des poneys hochèrent la tête ; certains avec beaucoup d'enthousiasme.

– Alors, j'ai appris que, euh… certains d'entre vous étaient des changelins. Et-et c'est normal que vous n'ayez pas voulu qu'on le sache. Célestia sait qu'il y a cinq ans, ça nous aurait flanqué une sacrée frousse. Mais si on veut laisser le passé derrière nous et arrêter pour de bon d'avoir peur, alors je pense que c'est mieux qu'on sache qui vous êtes vraiment. Et si l'un de vous pouvait expliquer à nous autres poneys ce qui se passe, parce que pour l'instant, je suis pas mal à cran et j'ai beaucoup plus de questions que de réponses.

Un frisson traversa la foule. Des poneys regardaient leurs voisins en se dandinant, mal à l'aise.

– Allez ! cria Goldie, dont le corps fut entouré d'une lumière orange. Vous avez entendu la dame !

À son signal, un arc-en-ciel éclata devant les yeux d'Applejack. Des bouffées de magie de toutes les couleurs illuminèrent la foule, se fondant en un éclair blanc qui força la fermière à cligner des yeux.

Quand elle y vit à nouveau, une bonne moitié des poneys avaient été remplacés par des changelins réformés.

Non… plutôt les trois quarts. Le reste des poneys (parmi lesquels se trouvaient heureusement les autres Éléments d'Harmonie) les fixaient avec effarement.

– Oh, dit Applejack.

Elle fit un pas en arrière et se cogna contre Madame le Maire. Elle lui adressa un sourire penaud.

– Au moins, vous êtes toujours la même.

La jument beige cligna des yeux.

– Oh ! Oh, je suis désolée, je ne savais pas que tu me parlais à moi aussi.

Il y eut un flash argenté et elle se changea en un changelin au corps foncé avec une tête grise. Elle portait toujours ses lunettes et son col.

– Il faut que je m'asseye, bredouilla Applejack.

La changeline voulut l'aider en se transformant en chaise.

– Oubliez ça, ça ira.

Elle reprit sa forme de changelin. Applejack inspira un grand coup.

– J'ai tellement de questions.  

Madame le Maire se glissa à côté d'elle sur le podium.

– Et nous y répondrons. Toi – et vous tous – êtes nos voisins bien aimés. Nous aurions peut-être dû nous révéler plus tôt, mais vous comprendrez aisément que le… climat politique n'était pas aussi propice qu'aujourd'hui.

Applejack hocha vaillamment du chef.

– Ça me va. Tout ce que je veux savoir, c'est qui, quoi, où, quand, pourquoi, est-ce que je deviens folle et si Equestria est perdue.

– Ah – Madame le Maire fit vrombir ses ailes à côté d'elle. Et si j'expliquais tout, et tu pourras demander des clarifications si besoin ?

Applejack hocha à nouveau. Madame le Maire s'éclaircit la gorge et commença.

– Très bien. Oui, nous sommes des changelins. Contrairement à ces anciens maniaques racistes qui vivent loin au sud, nous savons depuis longtemps que partager l'amour est la clé de la paix et de la prospérité. D'où nos couleurs.

– Attendez ! cria un poney – Applejack reconnut vaguement une photographe de passage appelée Shutterbug. Chrysalis la Belle est notre reine légitime ! Vous voulez dire que vous étiez en position de conquérir Poneyville depuis tout ce temps et que vous ne le lui avez jamais dit ?

– Conquérir ? s'offusqua Madame le Maire. Nous sommes Poneyville. Et en ce qui concerne Chrysalis, elle peut crier qu'elle est reine des changelins autant qu'elle veut, ça ne veut pas dire que c'est vrai. Nous sommes des Équestriens ; de loyaux citoyens de ce pays. C'est notre foyer, et ce depuis des générations. Célestia elle-même a accueilli nos ancêtres et a fait d'eux ses sujets.

– Vraiment ? bégaya Applejack.

Madame le Maire lui sourit calmement.

– Oui. Et pourquoi ne l'aurait-elle pas fait ? Nous payons nos impôts, nous sommes productifs et nous aimons les sociétés harmonieuses, où l'amour circule librement. C'est vrai, les mauvaises actions de Chrysalis nous ont forcés à vivre cachés pendant toutes ces années. Mais maintenant qu'elle a été renversée, je pense que nous pouvons enfin montrer à nos voisins qui nous sommes vraiment ; ceux de Poneyville, du moins. Ils méritent qu'on leur fasse confiance.

– Mais ça ne tient toujours pas debout ! fit Applejack en désignant trois changelins dans le foule. Daisy, Rose, Lily ! Vous voulez dire que vous êtes des polymorphes infiltrés, mais que vous paniquez quand une bande de lapins déboule en ville ?

– DES LAPINS !? couina Daisy en sautant dans les sabots de Rose. OÙ ÇA !?

Rose cria et sauta dans les sabots de Lily, qui cria et sauta dans ceux de Daisy. C'était assez impressionnant à voir, jusqu'à ce qu'elles s'évanouissent toutes les trois.

– Pas infiltrés, corrigea aimablement Madame le Maire. Nous sommes de Équestriens, exactement comme vous. Des gens qui veulent vivre en paix, qui paniquent facilement et qui ont peur du changement. Nous étions aussi effrayés que n'importe qui quand Zécora errait en ville, aussi mal cela fut-il.

Elle fit un geste de la patte en direction de Zécora.

Qui était à présent un changelin gris et blanc.

Et tu, Zecora ? dit Applejack.

– Je ne vous ai jamais voulu le moindre mal, seulement faire mes courses à vos étals.

Madame le Maire fit oui de la tête.

– Ce qui nous ramène à toi, Applejack. Non, la population d'Equestria n'est pas composée aux trois quarts de changelins. Poneyville est une exception. Et la raison de cela, c'est toi.

– Pourquoi ? demanda Applejack.

– Oui, pourquoi !? lança Shutterbug.

– L'amour peut être récolté de plusieurs façons, expliqua Madame le Maire. Il doit d'abord être produit, comme n'importe quelle forme d'énergie. On m'a dit que le Roi Thorax le créait en faisait faire aux changelins des activités amusantes ensemble, ce qui génère des émotions positives et des pensées heureuses qui peuvent être absorbées. La Reine Chrysalis, elle, apprend aux siens à l'arracher aux gens contre leur gré. C'est inefficace, mais c'est parce qu'elle est idiote.

– Pas vrai ! cria Shutterbug. Elle a failli s'emparer de Canterlot ! Elle est très intelligente, et très belle !

Madame le Maire l'ignora.

– Les changelins d'Equestria, quant à eux, utilisent diverses méthodes, mais l'une d'elle fonctionne mieux que les autres. Nous pouvons récolter de l'amour en passant de bons moments avec nos amis, mais s'ils sont trop occupés ? Ou s'ils annulent, ou s'ils ont passé une mauvaise journée et que ça ne leur plaît pas vraiment ? La solution, c'est de faire exactement comme les poneys : manger. Plus précisément, manger des aliments qui ont été produits avec amour. C'est incroyablement nourrissant, car ça nous remplit réellement le ventre. Et on peut en stocker, en garder pour plus tard, et s'en nourrir même quand on est seul.

Elle adressa un sourire amical à la fermière.

– Tu devines sûrement la suite, Applejack. La famille Apple, en particulier ceux de la Douce Pomme, travaillent la terre avec amour et fierté. Vous aimez la ferme, la terre, les arbres, les graines, les pommes. Tout ce que vous faites est tellement imprégné d'amour qu'on peut le sentir à chaque bouchée.

Shutterbug écarquilla les yeux. Elle se fraya un chemin à travers la foule et quitta la place au galop.

Applejack cacha son visage rougissant avec son chapeau.

– Oh, arrêtez, ça n'a rien de si spécial. Goldie fait aussi pousser des carottes du tonnerre, pas vrai ?

– Mais moi, je ne leur lis pas des histoires pour s'endormir, espèce de cinglée, répondit Goldie. J'ai essayé, une fois, et j'ai eu l'impression d'être une parfaite idiote. Je suis même sûre que ça leur a fait perdre de l'amour.

– Et il n'y a pas que nous, avoua Madame le Maire. Tu connais ce chef renommé, à Canterlot ? Celui qui paie pour des livraisons express et qui refuse de cuisiner d'autres pommes que les tiennes ?

– Oui, dit Applejack, avant de se figer. Non.

– Que veux-tu ? Les changelins de Canterlot sont exigeants. Mais nous, nous sommes très contents de ne payer que deux pièces le sac, alors que lui en fait payer vingt à ses clients.  

Applejack remit son chapeau sur sa tête, mi-nerveuse mi-embarrassée.

– D'accord. Bon, j'ai de quoi m'occuper les méninges pendant un moment. Mais ça tient debout, en fin de compte. Merci de nous avoir expliqué.

– Ne m'en parle pas, dit Scootaloo, qui était toujours un poney.

Elle avait cependant l'air plus intriguée qu'effrayée. D'autres poneys, un peu gênés, étaient déjà abordés par leurs amis proches et leurs voisins, qui tenaient à se présenter à nouveau.  

– Heureuse de savoir que je vous ai, euh… bien nourris, bredouilla Applejack.

Madame le Maire laissa échapper un petit "hum".

– Tu es une fermière, après tout.

Ses yeux opaques et bleus adressèrent à Applejack un regard plein de chaleur et d'affection.   

– Mais tu es aussi bien plus que ça. Bien plus qu'un poney qui rend possible notre coexistence pacifique avec les tiens. Tout le monde se souvient d'une fois où tu l'as aidé. Un toit abîmé, une patte cassée, un enfant malade, un emploi perdu, un chariot disparu, et voilà Applejack, toujours à aider du mieux qu'elle peut, même si elle n'a pas besoin de notre amour et de notre affection pour se nourrir. La seule raison pour laquelle elle fait ça, c'est parce que c'est quelqu'un de bien.

Applejack déglutit avec difficulté. Madame le Maire ne la quittait pas des yeux.

– Une bonne voisine, et une bonne amie. Tu es importante pour Poneyville, et en retour, nous t'apprécions et nous te protégeons. Comme quand nous avons saboté la machine à jus de Flim et Flam, ou réglé cette affaire avec les choux.

– Quelle affaire avec les choux ?

La changeline lui fit un clin d'œil.

Ensuite, elle sourit, dévoilant ses crocs.

 

***

 

Il y avait de fortes chances pour qu'Applejack reste éveillée toute la nuit à réfléchir à tout ça. Au moins, maintenant, tout le monde savait, et la situation était bien moins dangereuse que ce qu'elle aurait pu croire. Annoncer la nouvelle à la famille serait délicat, mais ce serait déjà moins rude que de l'avoir encaissée elle-même.

Elle ralentit le pas en arrivant à la Douce Pomme. Son frère et sa sœur se tenaient à l'extérieur de la grange, dans la pénombre du soir. De toute évidence, ils l'attendaient. Ils lui firent signe, puis pointèrent la patte vers l'intérieur.

– On a un problème, sœurette, annonça Big Macintosh.

À l'intérieur, on entendait des bruits de morsures, ainsi que des éclats de rire déments. En ouvrant la porte, Applejack découvrit la Reine Chrysalis, qui s'était apparemment renversé un tonneau de pommes dessus. Elle se roulait dedans, croquant les pommes une par une et les frottant sur sa poitrine.

– Une idée ? se hasarda Big Mac.

– Ouais, dit Applejack avec un petit sourire. Mac, va chercher Twilight. Apple Bloom, passe-moi le balais.

Les deux autres s'exécutèrent. Applejack rajusta son chapeau et entra.

– Salut, Chrysalis. Tout va bien ?

– Pauvre folle ! Je vais t'écraser !

Chrysalis attrapa une pomme et mordit trois fois dedans, en faisant "miom" à chaque fois.

– Tout l'amour qui se trouve dans ces pommes me remplit d'énergie ! Equestria sera bientôt à moi !

Applejack renifla.

– Ouais, c'est ça. Écoute, Chrysalis. Twilight est en chemin. Soit on fait ça à coups de balais et de lasers de l'amitié, soit tes pommes, tu les achètes, comme tout le monde.

– Je suis une reine ! cria Chrysalis, avant de lâcher un rot. Je suis au-dessus de ce genre de transactions !

– Tu es fauchée, c'est ça ?

– C'est ta tronche qui est fauchée ! siffla-t-elle.

– Et si on passait un marché ? demanda Applejack.

– Explique.

Peu l'auraient cru, mais Applejack était assez douée pour cacher son jeu.

– Tous ces discours sur goûter l'amour, sentir l'amour… Je ne suis pas un changelin, je ne peux pas ressentir ça moi-même. Tu peux avoir toutes les pommes que tu veux ; tout ce que tu as à faire en échange, c'est partager l'amour contenu dans l'une d'elles avec moi. Appelle ça de la curiosité.

Chrysalis mordit dans une autre pomme et mâcha frénétiquement, tout en étudiant l'expression d'Applejack. Elle avala.

– Je veux toutes les pommes.

– Partage l'amour d'abord, dit Applejack en se permettant un sourire. L'amour d'une seule petite pomme, et elles seront toutes à toi.

– Marché conclu, pauvre sotte !

Avec un cri de triomphe, Chrysalis se releva. Elle abaissa sa corne et lança un unique cercle rose en direction d'Applejack.

– Et quand je contrôlerai les pommes, TOUT EQUESTRIA SERA…

Elle ne termina jamais sa phrase. Avec la douceur d'un pétale de fleur, le cercle rose toucha la poitrine d'Applejack.

Cet acte de partage d'amour provoqua la transformation immédiate de Chrysalis. Elle baissa les yeux vers son corps. Pendant une seconde, elle fut frappée de surprise, avant que la lumière ne l'entoure. Un cocon vert et luisant apparut. L'instant d'après, une nouvelle Reine Chrysalis en émergea. Elle était blanche et rose vif, et elle avait le parfum d'une fleur de pommier.

Ses sabots touchèrent sol et elle regarda Applejack, des larmes plein les yeux.

– Je… je suis complète ? Oh, par les cieux, je me sens si… si bien ! Et mal, aussi ! Applejack, je suis désolée d'avoir essayé de voler tes pommes. Comment me faire pardonner ?

Applejack lui fit un câlin, que la reine désormais réformée des changelins lui rendit du mieux qu'elle put.

– Pas besoin, sucre d'orge. Tu vas mieux, c'est tout ce qui compte.

Elle sourit malicieusement.

– En fait, si tu pouvais rester jusqu'à ce que Twilight te voie… J'ai hâte de voir la tête qu'elle fera.

 

Note de l'auteur

Golden Harvest, c'est le nom officiel de Carrot Top.

Dans la VF de la série et sur le wiki francophone, Mayor Mare est appelée Madame le Maire.

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