Chapitre VI - Réunion de famille
La nouvelle avait fait un choc renversant à Luna et Celestia. Ce que Twilight leur avait appris au travers de sa lettre enchanta Luna, toute joviale à l'idée de rencontrer ce poney nommé Selifós, un membre de sa famille. Bien sûr elle ne le connaissait pas. Mais l'idée de savoir qu'il restait encore à elle et à sa sœur un parent encore en vie la fit exalter. Elle se montra toute excitée comme une puce, à l'idée de le voir et l'entendre parler.
Cet étalon alicorne qui était à présent le maître de la lune allait pouvoir lui répondre à toutes ses questions, et en particulier sur sa propre identité. Quant à Celestia, elle était plus... disons... déconcertée. Ce que racontait le message de la princesse de l'amitié la fit réjouir, certes. Elle avait aussi ses propres interrogations face à ce passé mystérieux et inconnu qui la précédait durant son enfance perdue, tout comme pour ses parents ; Certes. Elle avait toutes les raisons de partager la félicité de sa cadette. Certes.
Mais Twilight avait également ajouté que ce Selifós convoitait la magie de Luna et qu'elle craignait qu'il tente de la voler, ou plutôt de la lui « confisquer », au vu des termes de l'alicorne noir que Twilight reprenait dans sa lettre. Et puis il y avait aussi cette affaire, comme quoi il se serait échappé du Tartare récemment. Expliquant ainsi pourquoi personne n'avait entendu parler de lui jusqu'à maintenant. Celestia souriait en voyant sa petite sœur tressauter de joie sur la pointe de ses sabots, qui visiblement ne se souciait guère de la face sombre de cet alicorne ancestral.
L'alicorne blanche s'inquiéta de la tournure que les jours avenirs risquaient d'emprunter. Car si on avait enfermé Selifós au Tartare, comme on aurait enfermé quelqu'un comme Tirek, c'était forcément pour une bonne raison. C'est forcément parce que c'était quelqu'un de dangereux. Et elle craignait que cet étalon au même propriété magique que Luna profite de sa curiosité candide pour la manipuler. Elle se devait de supposer et d'anticiper n'importe quel scénario possible.
Il était aussi écrit que cet étranger comptait leur rendre visite ; à elle et à Luna. Celestia avait tout aussi hâte que sa sœur. Mais elle était plus nerveuse. Luna, elle, était toute aussi stressée, mais d'une manière plus positive. Elles avaient choisi de rester à Silver Shoals et d'attendre patiemment que Selifós vienne les trouver.
Ce fut alors le lendemain matin ; du jour où Twilight et Selifós s'étaient rencontré pour la première fois ; que Luna et Celestia prenaient leur petit déjeuner dans une ambiance tendue, mêlée d'incertitude et de gaieté. Puis vint enfin le moment. Puis vint le bruit. Ce fameux bruit qui fit résonner le cœur des deux juments comme une cloche d'alarme.
On toqua à leur porte.
"Tu... tu crois que c'est lui ?" dit Luna sous l'emprise de son stress.
"Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir", dit Celestia avec la même émotion.
L'ancienne princesse du jour reposa son vers de jus de fruit et se dépêcha à l'entrée pour ouvrir à leur invité. L'alicorne bleue était restée scotchée sur son siège, encore tétanisée par le suspense. Celestia non plus ne se sentait pas prête. Elle priait pour qu'il s'agisse juste du facteur qui frappait pour leur apporter un colis. Elles n'avaient rien commandé bien sûr. Mais recevoir une erreur de livraison les rassurerait plus que la visite de celui qu'elles attendaient.
Enfin arrivée devant la porte, elle se surprit à hésiter encore, ses nerfs encore dominés par la volonté de ses amygdales. On toqua encore une fois à la porte. L'alicorne solaire dut s'y résigner. Elle n'avait plus le droit de retourner en arrière. Elle attrapa la poignée et l'ouvrit comme si sa vie en dépendait.
Et bien évidemment, les astres avaient décidé que ce n'était pas le facteur. Mais Lui.
Celestia retint une béatification de stupeur de sa bouche pour cacher au mieux sa subjugation. Elle n'écarquilla que ses yeux, les fit cligner plusieurs fois, histoire d'enregistrer ce que sa vue lui témoignait. Le grand étalon alicorne qui s'imposait devant elle l'intimida presque de par sa stature. Il n'y eut pas à dire, l'ex-princesse du jour n'avait absolument pas l'habitude d'interagir avec des poneys aussi grands qu'elle. Non. Légèrement plus grands qu'elle.
"Bonjour", lui répondait l'étranger avec simplicité, et un sourire chaleureux au visage. "Je m'appelle Selifós. Selifós Skiá. À ce que j'ai cru comprendre, votre amie, la princesse Twilight, vous a déjà parlé de moi. Est-ce exact ?"
Celestia bloqua. Un peu comme un ordinateur qui plante.
"Vous allez bien ?" dit encore Selifós en penchant un peu la tête.
Celestia réagit enfin quand on lui quémanda son attention. "Heu... oui. Bonjour", dit-elle finalement, toujours nerveuse.
"Grande sœur ?" s'éleva une voix de l'intérieur de la maison. "Qui est-ce ?"
L'aînée ne répondit pas tout de suite, encore à assimiler ce qu'elle vivait à l'instant. Selifós ajouta encore.
"Alors comme ça, t'es la grande sœur. Tu dois donc être Celestia, n'est-ce pas ?" dit l'inconnu, toujours avec un sourire aussi cordial.
La jument à la robe d'ivoire hocha timidement de la tête. L'étalon lui fit la bise alors qu'elle se laissait faire, toujours sous le choc.
"Celestia..." murmurait-il avec poésie alors qu'il contemplait le crin multicolore de sa petite-nièce. "Ce nom est vraiment magnifique. Ça t'illustre très bien", ajouta-t-il, en la caressant tendrement de sa voix.
"Merci", sourit à son tour Celestia, libérée par la surprenante affection agréablement chaleureuse qui émanait de la voix de l'alicorne noir. "Je... je vous en prie. Entrez."
Et il entra. Celestia l'invita à la suivre jusqu'à la salle à manger où Luna les attendait. L'alicorne bleue prit la présence de cet alicorne noir derrière la blanche comme la réponse que sa grande sœur ne lui avait pas donnée plus tôt.
Cet étalon qui possédait de la magie lunaire... tout comme elle... il y avait quelque chose de familier dans son aura. Cette aura qui l'entourait était similaire à celle de Nightmare Moon ou même à la sienne en général. Donc bien qu'elle soit un peu effrayée par ce poney insolite, elle en eut des étoiles plein les yeux à l'idée qu'elle n'était pas aussi seule qu'elle ne le pensait, qu'il y avait quelqu'un d'autre exactement comme elle, qu'elle n'était pas si perdue qu'elle ne se l'était imaginée avec ses questions existentielles récentes. Son cœur fut tiraillé par la tension d'un côté, et par l'assurance de l'autre.
"C'est donc vous, Selifós ?", dit-elle les papillons au ventre. "La princesse Twilight nous a parlé de vous dans une lettre hier soir."
"Oui, c'est moi", répondit l'intéressé. "Mais pas de vouvoiement entre nous. Et ça équivaut aussi pour toi, Celestia", finit-il sa phrase en s'adressant à l'alicorne nacrée. "Je sais que nous ne nous connaissons pas encore, mais nous faisons partis de la même famille : alors habituons-nous dès à présent à se traiter comme telle."
Luna y concorda d'un simple opinement de la tête. Par contre Celestia était toujours perturbée. Elle aurait bien voulu agréer à ce qu'il disait elle aussi. Mais elle était perturbée. Devoir se familiariser comme ça, aussi vite, avec un total inconnu. Et ce moment où il lui avait fait la bise... Cette matinée était décidément très bizarre.
Selifós dévisagea Luna comme on contemplerait un portrait. L'expression accueillante disparut de son visage pour laisser place au doute. À l'interrogation. À la nostalgie. Et une pointe de chagrin. De douleur. Cette coiffure... cette mèche... ces yeux... cette voix... et ce... ce sourire... Il eut tout d'abord une sensation de déjà vu ; puis de vieux souvenirs éruptèrent dans sa tête et le firent paniquer intérieurement.
Non... dit Light qui n'en revenait pas non plus en regardant Luna. Ce... mais c'est...
C'est impossible. Murmurait confusément Selifós dans sa pensée. Elle est morte depuis longtemps... si longtemps...
Non. Ce n'est pas Elle. Elle Lui ressemble, mais ce n'est pas Elle, relativisa Nightmare Light.
Elle est morte.
Selifós, reprends-toi ! Ce n'est pas Elle !
T'es censée être morte.
Reprends-toi je te dis ! cria Light en secouant violemment l'âme de Selifós. Ce n'est pas Elle !
"Heu... il y a quelque chose qui ne va pas ?" demanda Luna inquiète, alors que Selifós la fixait depuis un moment avec des yeux humides.
Selifós agita légèrement sa tête comme pour dégager une pensée obsessionnelle. Il cligna plusieurs fois des yeux pour dissimuler ses larmes. Non. Non. Ce n'est pas Elle. Son Nightmare a raison. Luna Lui ressemble ; mais ce n'est pas Elle.
"Si, si. Tout va bien", rassura l'étalon en reprenant sa retenue. "J'ai juste remarqué comme tu étais petite pour une alicorne de ton âge", mentait-il à moitié, alors qu'il examinait attentivement la tâche noire sur la croupe de Luna. "Parce que t'es censée être de la même taille que Celestia, non ?"
"Ben... " fit Luna, un peu surprise de la remarque. "Pour moi ça m'a toujours semblée normal. Après tout je suis sa petite sœur."
"Peut-être... " plissa Selifós des yeux, avec une voix marquant clairement son scepticisme. Le regard toujours sur cette tâche qui auréolait sa marque de beauté.
Celestia doutait elle aussi. Pour sa part, c'était par rapport à la réaction et à la réponse de Selifós face à sa sœur cadette. Ce n'était pas le genre de comportement qu'on aurait face à un détail aussi simpliste que la différence de taille. Mais plutôt face à un être cher qu'on n'aurait pas revu depuis une éternité. Qu'est-ce que cet étalon avait à cacher ?
Aussi, elle avait énormément de mal à déterminer par où commencer. Elle acceptait de bon cœur de croire qu'il s'agissait d'un membre de sa famille, mais le fait qu'il était également un étranger à ses yeux provoquait une immense division en elle. Une lutte interne qui lui disait d'un côté de se détendre et de se laisser ouvrir à lui car il était son grand-oncle. Mais de l'autre, elle lui disait de garder ses distances et de se méfier, puisqu'il était également un inconnu. Par quoi devait-elle commencer ?
"Est-ce que... tu as faim ?" improvisait prudemment Celestia, en retournant s'asseoir devant ses pancakes.
"Non merci, ça ira", répondit poliment l'alicorne noir avec un sourire. "Je n'ai pas faim. D'ailleurs, sachez que je suis autodidacte et que je chercherai à me nourrir par moi-même. Donc je ne vous demanderai rien pour ce type de besoin." Il s'assit sur un tabouret vide.
"Comme tu voudras", lui dit Celestia avec le même sourire, quoiqu'un peu interloquée par sa justificative. "Pourrais-tu heu... nous parler de... de notre famille, Selifós ? Car il y eut peu, Luna et moi avions pris conscience qu'on ne savait rien de notre passé, de notre magie ou même de nos conditions d'alicorne."
"Je suppose bien. Après tout, tout le monde aujourd'hui a oublié les Lux et les Skiá. Donc ça ne m'étonne plus trop d'assister à une telle ignorance. Ne vous en faites pas : je vais tout vous expliquer depuis le début. Ce sera ma meilleure des manières pour me présenter de tout façon."
"Que sont les Lux et les Skiá ?" demandait Luna avec un sourire innocent et tressaillant d'impatience et de curiosité.
"Les Lux et les Skiá étaient deux familles d'alicorne. C'était ces deux familles qui, bien avant votre petite princesse Twilight, bien avant les licornes, commandaient au soleil et à la lune. Les terrestres, les pégases et les licornes ont vécu sous leur règne pendant approximativement dix-neuf milles ans. Et, sans vouloir m'en vanter, elles étaient les familles d'alicorne les plus puissantes à avoir jamais existé. Nos pouvoirs étaient comparables à ceux d'un dieu. À l'aube du règne de ces deux familles, les poneys n'étaient que des peuples nomades, et vivaient de la cueillette pour la plupart d'entre eux. La plupart ; pas tous : les pégases avaient déjà fondé un semblant de civilisation à cette époque, grâce à une influence extérieure à la nôtre.
"Nous avions tout enseigné aux poneys. On leur a appris l'écriture, les mathématiques, l'agriculture, l'irrigation, les arts... on leur enseigna tout ce qui était nécessaire pour fonder une civilisation. Et ainsi cette civilisation fut fondée en tant que puissant empire, celui des Lux et des Skiá, il y a plus de vingt-et-un milles ans."
Luna et Celestia avaient les yeux illuminés par ce fait. Le fait de découvrir que c'était quasiment plus de vingt mille ans d'histoire qui coulaient dans leur veine. Et surtout... elles ignoraient quasiment tout des évènements qui s'étaient produits il y eut non pas mille ans, mais deux milles ans et plus.
"Les pégases avaient déjà une nation au moment de votre arrivée ?" s'interrogea Celestia. "Quelle est cette influence externe que tu as mentionnée ?"
"Je n'en sais pas grand chose pour être honnête", avoua Selifós en portant son sabot à son menton. "Tout ce que je sais à ce sujet est à propos d'une légende vieille. Très vieille. Même pour moi. Je m'en souviens : ma mère avait l'habitude de me raconter cette histoire avant de dormir quand je n'étais encore qu'un poulain."
"Quelle est cette légende ?"
"Ça s'appelait la Légende des Sept Glorieuses. C'est une sorte de récit épique parlant d'une époque qui datait d'avant la naissance des premiers Lux et Skiá. Le récit est très long. Aussi long qu'un petit roman de cinquante pages. Il racontait la naissance, l'âge d'or et la disparition de sept empires anciens. Très, très anciens. L'un d'eux, nommé l'empire d'Azur, dont le peuple à l'apparence très méconnue qui vivait dans les airs, aurait appris aux pégases à construire des villes célestes dans les nuages.
Celestia avait la bouche pendante de fascination et de curiosité. "Et qu'était-il advenu d'eux ?"
"L'empire d'azur s'était effondré suite à une violente peste qui avait décimé toute sa population. Sur un déclin d'une cinquantaine d'années, les azuréens, tels qu'on les appelait, s'étaient éteints complètement. Mais avant de disparaître, ils auraient donné aux pégases l'héritage de leur savoir. Car voyez-vous, les pégases étaient les premiers parmi les peuples du monde à les avoir rencontrés. Une amitié s'était installée entre les pégases et les azuréens, et ces derniers leur ont enseigné tout ce qu'ils savaient, d'où l'influence externe que j'avais parlée. Avant de s'éteindre complètement, ils auront appris aux pégases comment manipuler la météo. Ce fut à partir de ce moment que les pégases commencèrent à contrôler le ciel."
"Donc les pégases n'ont pas toujours été maîtres du ciel. Ils n'étaient que les héritiers d'un peuple éteint il y a fort longtemps... " se disait Celestia à elle-même. "Sainte mère de moi."
"Et si tu nous disais brièvement quels étaient les six autres empires de la légende ?" disait Luna. "Parce que ça m'intéresse."
Selifós fouilla encore dans sa mémoire en regardant le plafond. "Et bien... si mes souvenirs sont encore bons... Il y a l'empire d'Azur, les empires d'Or et d'Argent, l'empire de Fer, l'empire de Diamant, l'empire de Corail, et enfin l'empire de Crystal."
"L'EMPIRE DE CRYSTAL ?!?" hurlèrent en chœur de stupeur les deux sœurs alicornes.
Selifós faillit en tomber de son siège, tellement il fut surpris par leur réaction. "Vous... vous connaissez l'empire de Crystal ? Je... je croyais que non." Puis il analysa vite la situation et comprit de suite. "Attendez... si vous connaissez l'empire de Crystal, malgré le fait qu'il soit plus ancien même que ma famille... ça voudrait dire que... que l'empire de Crystal a été retrouvé ?"
"Oui", affirma Luna qui s'était rapidement reprise de ses moyens. "Il existe. Il partage une frontière avec Equestria actuellement, loin au nord."
L'ancien alicorne tiqua de l'œil face à la nouvelle. Celestia lui demanda. "Pourquoi es-tu si étonné ? Les Lux et les Skiá n'avaient jamais connu cet empire de leur vivant ?"
"Tous ces empires avaient disparu", expliqua-t-il. "Qu'ils fussent détruits par des catastrophes naturelles, des épidémies, des guerres ou juste perdus... ils avaient tous disparu, chacun à leur manière. L'empire de Crystal est le seul des sept empires à avoir survécu aux désastres du passé. L'histoire voulait qu'afin de se protéger d'une étrange fatalité qui paraissait détruire les empires les uns après les autres ; car oui tous ces empires se connaissaient ; l'empire de Crystal aurait utilisé le pouvoir de sa pierre pour... je ne me souviens plus du nom... pour... pour dissimuler leur empire aux yeux de tous dans le but de se protéger.
"Les Lux et les Skiá avaient cherché les crystallins pendant des millénaires afin de se prouver de leur réelle existence, mais sans succès. Pourtant on savait qu'ils existent car la Légende des Sept Glorieuses n'était pas seulement un simple conte pour enfant, mais aussi des témoignages du passé, de l'Histoire pure et dure avec un grand H. C'est pour ça justement qu'on les avait cherchés. Mais on ne les a jamais retrouvés. Telles les citées cachées des anciens contes, l'empire de Crystal a été relégué au rang de ville de légende totalement introuvable, condamné à rester un vieux mythe... pour l'éternité."
Puis il finit. "Et maintenant ça me fait un choc d'apprendre que l'empire de Crystal a finalement été débusqué. Juste par curiosité : quand et comment a-t-il été découvert ?"
Celestia piocha parmi ses souvenirs les plus concrets. "L'empire de Crystal n'a pas vraiment été découvert. Enfin... pas que je le sache vraiment. Je ne sais rien de cet empire ; comme je ne sais rien de ma famille. À ce que je sais, c'est l'empire de Crystal qui s'était découvert de lui-même au monde, il y a un peu plus de mille ans. Et à ce moment, il était gouverné par un poney du nom de Sombra. Personnellement je ne connais pas ses réelles origines ; s'il était un usurpateur étranger à l'empire de Crystal ; s'il était un poney de Crystal qui avait mal tourné ; ou peut-être même que sa place en tant que roi lui était légitime, et dans ce cas il n'était qu'un roi fou."
"Fou ?" dit Selifós intrigué. "Tu veux dire qu'il était un roi tyrannique ? mégalomane ? ambitieux ?"
"Si l'on peut dire", continua la jument blanche. "Il était une nuisance à son peuple qu'il avait plus ou moins réduit en esclavage avec de la magie noire. Il faisait la guerre à tous les peuples voisins de l'empire de Crystal, notamment Equestria, probablement dans l'objectif délirant de conquérir le monde, je ne sais pas. Les objectifs du roi Sombra et leur raison d'être m'ont toujours paru obscurs."
"Et comme il constituait une menace pour les équestriens... " enchaîna Luna. "Ma sœur et moi avions mené une campagne militaire contre lui afin de le destituer. Mais c'était une non-victoire. On l'a vaincu, certes, mais il avait... fait disparaître l'empire de Crystal avec lui. Mille ans plus tard il est revenu, et il avait été vaincu de nouveau ; par Twilight et ses amies cette fois-ci. Aujourd'hui il est gouverné par la princesse Cadance. Dont ma sœur et moi pensons la place lui revenant de droit."
"La princesse Cadance ?" dit Selifós, semblant réfléchir. "Elle est une alicorne de Crystal ?"
"Comment ça... une alicorne de Crystal... ?" dit Celestia perplexe. "Dis-moi, Selifós. C'est dans ta légende que sont mentionnées ces alicornes de Crystal dont tu parles ? Et est-ce que... par le plus grand des hasards, il y aurait eu d'autres types d'alicorne ?"
"La Légende des Sept Glorieuses mentionne effectivement l'existence d'autres familles d'alicorne, en dehors des Lux et des Skiá. Les alicornes de Crystal étaient la famille impériale de l'empire du même nom. Si ce que vous me décrivez au sujet de cette Cadance est juste, elle doit alors être la descendante de cette famille."
"Ça me rappelle d'ailleurs autre chose", dit Luna avec un ton sérieux. "L'une des raisons pour lesquelles Sombra avait déclaré la guerre à Equestria était justement car il voulait éliminer Cadance. Bien évidemment, on considérait Cadance comme quelqu'un de notre propre famille : alors on l'a protégée, autant qu'on le ferait pour Equestria. Et si Sombra voulait assassiner Cadance justement parce qu'il était un usurpateur ? Parce que la légitimité du sang de Cadance constituait une menace pour lui ?"
"Maintenant que tu le dis... " dit Celestia, redécouvrant d'autre de ses plus vieux souvenirs. "Je commence à faire la corrélation au temps où ses vrais parents nous l'avaient confiée. Et s'ils nous l'avaient confiée car Sombra aurait cherché à la supprimer ? Parce que justement elle était l'héritière du trône de Crystal ? Et quand Cadance eut grandi et que son titre de princesse se faisait savoir au-delà des frontières d'Equestria, Sombra l'aurait vue comme un danger à sa souveraineté."
"J'avais deviné que Cadance avait de l'importance dans l'histoire de l'empire", commenta l'alicorne bleue. "Mais jamais je n'aurais pu aller jusqu'à imaginer qu'elle est la dernière descendante d'une famille d'alicorne vieille de plus de vingt mille ans, et dont les dernières preuves d'existence ne sont trouvables que dans des légendes oubliées de tous."
"Comme on n'aurait jamais pu imaginer que nous-même on appartienne à une famille vieille de plus de vingt mille ans", répliqua Celestia avec un soupir mélancolique.
"Mais finalement. Quel est notre nom de famille ?" sembla demander l'ancienne princesse de la nuit. "Il y a les Lux. Il y a les Skiá. Mais à quelle famille appartenons-nous, grande sœur ? Tu es capable de contrôler le soleil. Et tu étais aussi capable de contrôler la lune pendant mon bannissement. Et moi-même ? Est-ce que j'aurais été capable de contrôler le soleil si c'était toi qui étais bannie ? Nous sommes quoi finalement ? Des Lux ou des Skiá ?"
"Vous êtes des alicornes de sang-mêlé", dit Selifós élevant soudainement la voix, alors qu'une discussion close entre les deux sœurs avaient débuté.
"De... de sang-mêlé ?" répéta Luna, interloquée.
"Je crois qu'il est temps... " dit l'étalon avec un timbre sérieux de voix. "Que l'on parle de vos parents."
Les yeux des deux juments alicornes brillèrent d'intention en ouïssant la fameuse phrase.
"Tu... tu as connu nos parents ?" s'empressa à demander l'une d'entre elle.
"Pas personnellement", relativisa l'alicorne noir. "J'en ai juste entendu des rumeurs. Qu'est-ce que vous savez déjà de vos parents ? Qu'on puisse commencer sur de bonnes bases."
"On ne sait pratiquement rien d'eux", dit Celestia, le visage tordu par l'amertume. "On sait juste qu'on les a perdus étant très jeunes. Ils ont tout d'un coup disparu du jour au lendemain, sans laisser de trace. On n'avait même pas encore nos marques de beauté quand ce fut arrivé. Pendant plusieurs mois on les a cherchés. On les a cherchés vraiment partout. On a exploré le monde entier dans l'espoir de les retrouver et puis... notre étrange voyage s'est achevé quand on a rencontré la race des licornes. On a été adoptées par les Blueblood, une famille de nobles, puis on a débuté une nouvelle vie, abandonnant ainsi l'espoir de retrouver nos vrais parents."
Luna compatit un instant. Puis une autre question lui vint à l'esprit. "Mais c'est étrange que tu saches quelque chose de nos parents à partir d'une rumeur, alors que rien n'est pourtant parvenu à nos oreilles à leur propos. Qui t'a parlé de nos parents ?"
"Un certain Discord."
"Discord... " dit Luna, fronçant les sourcils. "Pourquoi ça ne m'étonne pas qu'il ait quelque chose à voir avec tout ça ? C'est vrai que maintenant que j'y pense... Discord a toujours été du genre à esquiver les questions lui paraissant sensibles en abordant un autre sujet, ou en se défilant simplement. Franchement, ça ne me surprendrait pas qu'il soit derrière la disparition de nos parents."
"Moi non plus", concorda sa grande sœur. "Mais... Selifós... Tu... tu connais Discord ?"
Il rit légèrement, un peu hébété. "Qui ne le connaît pas ? Ce draconequus de malheur est présent dans l'histoire de tous les peuples. Et il était aussi présent dans l'histoire des Lux et des Skiá, si vous voulez tout savoir."
"Pourquoi ne nous en a-t-il jamais parlé ?" interpella la jument bleue. "Pourquoi en garder le secret ? Et finalement ne le révéler que mille ans plus tard ? et surtout à toi ?"
"Je ne sais pas", dit Selifós, compréhensible. "Discord est le genre d'être qui calcule en permanence. Je suis sûr que s'il a attendu aussi longtemps, c'est parce qu'il a une idée derrière la tête. Mais quel genre d'idée ? Ça, je ne le sais pas. Les pensées de Discord sont impénétrables."
"Et que t'a-t-il dit au sujet de nos parents ?" dit Celestia qui revira le sujet.
"Pour que vous puissiez comprendre concrètement, il faut que je vous explique tout d'abord comment les empires des Lux et des Skiá ont disparu", romança Selifós. "Tout d'abord, vous devez savoir que les Lux et les Skiá ne s'étaient jamais portés les uns les autres dans leur cœur : ils partageaient d'ailleurs une rivalité réciproque. Au départ, ils travaillaient de concert, avec un seul et unique empire. Mais cela n'avait pas duré. À peine une centaine d'années après la fondation de la première civilisation équine, il y eut un schisme qui résulta en deux empires distincts, chacun gouverné par chacune des deux familles."
"Pourquoi ils ne s'entendaient pas ?" demanda Luna, perplexe.
Le regard de Selifós devint subitement sombre et triste. "C'est une histoire longue et assez compliquée. Disons que... disons... disons qu'ils ne partageaient pas la même philosophie, et qu'ils n'étaient pas d'accord sur la façon de régner. Les Skiá étaient des idéalistes, des perfectionnistes à la poursuite permanente de l'excellence en tout domaine, quitte à agir en despote. Et ils estimaient que le pouvoir devait se manifester par le pragmatisme, la discipline et la crainte. Tandis que les Lux étaient du genre réalistes, et aspiraient plutôt à une relation harmonieuse et simple entre leur famille et les mortels, et ainsi reposer leur pouvoir sur la paix, l'entre-aide et l'amour qu'ils partageaient auprès des poneys, quitte à employer une politique libérale et relâchée sur leur peuple.
"Les poneys préféraient d'ailleurs les Lux au Skiá et il y eut eu une vague d'émigration de poney de l'empire lunaire vers l'empire solaire. Ma famille était jalouse de ce favoritisme dont faisaient preuve les poneys, et elle haïssait férocement les Lux pour ça. De plus, on n'arrivait pas à se mettre d'accord sur la durée du jour et de la nuit, ce qui avait donné lieu à la première grande guerre alicorne, aussi nommée la Guerre des Quatre Saisons. À la fin de ce conflit qui aura duré près de cent cinquante ans, lesdites saisons furent inventées. L'hiver était pour la nuit, tandis que l'été était pour le jour, tandis que le printemps et l'automne furent créés en tant qu'intermédiaire pour servir de transition pour la nature et lui permettre de s'adapter à ce nouveau cycle."
Luna fut attristée par la raison du conflit perpétuel des Lux et des Skiá. La raison était exactement la même responsable du déchirement entre elle et sa grande sœur, mille ans plus tôt. Selifós continua son récit.
"Ça aurait pu s'arrêter là. Mais étrangement, une certaine fatalité voulait que cette animosité perdure. Les paix et les guerres entre les alicornes de ténèbres et de lumière n'ont cessé de s'enchaîner, les unes après les autres, au cours des millénaires qui ont suivi. Il y eut la toute dernière grande guerre alicorne, il y a à peu près deux milles ans. Cette dernière guerre causa l'auto-destruction des Lux et des Skiá ainsi que l'effondrement de leurs empires, et l'ébranlement du monde entier avec eux.
"Je n'étais pas là pour y assister car j'étais emprisonné au Tartare à ce moment, mais Discord m'en avait parlé un peu en détail, peu de temps après mon évasion. Bref. Les poneys furent plongés dans un âge sombre de plusieurs siècles durant lesquels ils oublièrent progressivement leur passé, ce dernier se changeant en légende, puis en mythe. Ils auront réappris à vivre sans les Lux et les Skiá, notamment en prenant en charge leurs anciennes responsabilités ; comme le changement des saisons par exemple."
"D'accord. Mais quel lien cela possède-t-il avec nos parents ?" dit Celestia qui désirait revenir au sujet principal.
"Justement j'y viens", la rassura Selifós d'un sourire. "Un Lux et une Skiá auraient survécu à cette guerre ; si on ne me compte pas bien sûr. Ils étaient un couple qui vivait leur amour dans le secret. Car voyez-vous, comme ces deux familles étaient ennemies et interdisaient la conjugalité entre leurs propres membres, ils avaient été obligés de s'enfuir et de partir loin en exil volontaire afin d'éviter un châtiment ; souvent létal. Leur amour leur avait visiblement sauvé la vie. Car sinon, cette guerre les aurait eux aussi tués." Il marqua une pause. "Et bien longtemps après la guerre, une fois qu'on les ait oubliés, ils ont pu mener leur propre vie entre amants. Et deux pouliches sont nées du fruit de leur amour : vous deux."
Celestia et Luna se sentaient bénies face aux réponses qu'elles recherchaient avec le plus grand souci. Une joie profonde les envahit en apprenant qui étaient réellement leurs parents. Elles en auraient presque eu les larmes aux yeux, comme si elles venaient de les retrouver, bien que ce soit au travers de la bouche d'un seulement témoin.
"Et pourquoi ont-ils disparu ?" pressa Celestia.
"À ce que Discord m'a dit... " Le visage de Selifós s'endurcit, et donna un rictus de colère, alors qu'il avait les yeux pointés sur la baguette de pain ; bien qu'il ne détestait pas spécialement le pain, il était juste dans le vague. "Il m'a dit qu'il avait eu un plan pour les poneys qui s'auto-géraient à présent. Il avait traqué vos parents et après les avoir trouvés, il... "
"Il... il les a tués ?" osa dire Luna avec de la frayeur et de la tristesse ; mais surtout de la colère.
"Ce n'est pas le terme qu'il a employé. Il a dit, pour reprendre sa citation, qu'il les avait « supprimés de notre plan de la réalité ». Et qu'après avoir fait cela, il « emprunta » votre pouvoir de bouger le soleil et la lune pendant votre sommeil afin de le donner aux licornes."
"Il... il a vraiment fait ça ?" dit Celestia choquée et silencieusement furieuse. "Je ne comprends pas. Pourquoi Discord aurait donné le pouvoir des Lux et des Skiá aux licornes ? Le connaissant, il l'aurait usé dans son propre intérêt."
Son oncle rigolait légèrement, se moquait de sa naïveté. "Tu es encore bien loin de connaître vraiment Discord, Celestia. Donner ce pouvoir aux licorne était dans son intérêt. Car il trouvait que donner ce pouvoir aux licornes était beaucoup plus intéressant de son point de vue."
"Comment ça ?"
"Allons, Celestia. Cela ne te semble-t-il pas si évident ?" lui dit l'ancien alicorne pour éveiller son discernement. "Les magies solaire et lunaire des Lux et des Skiá sont de la magie alicorne : de la magie quasi-divine. Jamais de simples mortels seraient capables de maîtriser un tel pouvoir sans encourir d'énormes risques. Et c'était pour ces conséquences dangereuses que Discord avait choisi de leur donner cette magie alicorne. Car seules les plus puissantes licornes pouvaient maîtriser ce pouvoir, et encore. Ils devaient se mettre à plusieurs, et encore. Même en étant à plusieurs c'était extrêmement dangereux : ils s'exposaient à de l'épuisement brutal, une perte permanente de leur magie ; voire pire : la mort."
"Nous le savions qu'à l'époque les licornes avaient beaucoup de problèmes pour contrôler le soleil et la lune", dit Luna. "C'est pour cela d'ailleurs que ma sœur et moi avons donc repris ce pouvoir de Starswirl le Barbu. Il avait fait le choix sage et judicieux de redonner à nous, ses propriétaires légitimes, les magies solaire et lunaire afin de sauver les licornes d'une destruction certaine."
"Je ne sais pas qui est ce Starswirl dont tu parles, Luna", dit Selifós. "Mais je suppose qu'il devait être un poney illustre auprès des licornes, vu ta manière de le décrire."
"Tout de même... " s'interrogeait encore l'alicorne solaire. "Si c'était comme cela que ça avait débuté... dans le but machiavélique de nuire aux licornes... Pourquoi les licornes auraient accepté ce pouvoir ?"
"Par fol orgueil, très probablement", supposa l'alicorne noir. "Contrôler le soleil et la lune au même titre d'anciens dieux oubliés les auraient raffermis dans leur égo. De plus, elles avaient besoin d'une arme de dissuasion contre les pégases et les terrestres, afin d'avoir du poids dans les traités. Et elles n'auraient pas pu deviner à l'instant non plus qu'un tel cadeau serait empoisonné."
"Leur donner de la magie alicorne", dit Luna essayant de comprendre. "Afin d'engranger la guerre froide installée entre les trois races, tout en causant la perte des licornes et la venue des wendigoes sur le long terme... mais c'est machiavélique... ! C'est calculateur... ! C'est manipulateur... !"
"Tout à fait le style de Discord", affirma Selifós. "Regarder les êtres souffrir peu importe la manière grâce à sa ruse et sa sournoiserie lui avait toujours plu apparemment. Il est le mal incarné."
"C'est étrange", dit Celestia qui méditait sur autre chose. "Il était pourtant affirmé dans les livres d'histoire que les licornes avaient toujours contrôlé le soleil et la lune."
"C'est parfaitement grotesque : si c'était vrai, alors la race des licornes aurait disparu depuis des lustres. Ne crois pas tout ce que tu lis dans les livres, Celestia", lui dit moralement l'étalon nocturne. "Écrire un livre est à la portée de tout le monde. Et on peut écrire ce qu'on veut dedans. Une bonne partie de ce qu'on lit et de ce qu'on croit savoir sont issus soit de mensonge, soit d'erreur de jugement. On nous rabâche souvent que les livres sont la clé du savoir et que tuer un livre est tuer la raison elle-même. Or les livres peuvent aussi être porteurs de folie, utilisés comme des armes afin de garder les poneys dans l'ignorance. Il n'y a pas meilleure manière de manipuler la vision du monde d'un poney que de lui mentir sur son passé. Si certains livres finissent brûlés, ce n'est pas par hasard."
"Hm. Je... je suppose que tu as raison."
"C'est vrai que c'était dans ce même genre de livre qu'on lisait autrefois que la Terre était plate", gloussa Luna.
La remarque arracha un sourire à Celestia, et fit rire Selifós. Luna finit son bol de chocolat.
"Donc... " dit cette dernière en voulant changer de sujet. "Si nos parents étaient des Lux et des Skiá... et que moi j'ai hérité de la magie lunaire... Ça voudrait dire que je suis une Skiá ? Luna Skiá ?" elle sourit. "Ça sonne plutôt bien."
"Vous êtes autant des Lux que des Skiá, puisque vos parents appartenaient à ces deux familles", lui dit l'ancien étalon. "Cependant les magie solaire et lunaire étant incompatibles entre elles, l'une finira forcément par gagner et étouffer l'autre chez une alicorne de sang-mêlé, et c'est ce qui est arrivé avec vous. Une alicorne de sang-mêlé a l'avantage de maîtriser les deux magies. Mais l'une ressortira forte, tandis que l'autre en ressortira régressée.
"Par exemple, Luna, tu peux déplacer la lune et voyager dans les rêves, et tu possèdes un Nightmare actif. Grâce à la magie des Lux, tu pourrais également contrôler le soleil, si ta sœur ne serait plus en mesure d'assurer cette responsabilité."
Puis il s'adressa à l'aînée. "Quant à toi, Celestia, ta magie solaire est dominante sur ta magie lunaire : t'es capable de contrôler le soleil, et tu pourrais contrôler aussi la lune si ta petite sœur ou même moi n'en seraient plus capables pour X raisons. Cependant, comme la magie des Skiá a régressé à cause de l'incompatibilité entre les deux magies, tu ne pourras jamais voyager dans la dimension des rêves, tandis que ton Nightmare ne se révélera jamais à toi, puisque ta magie lunaire est en quelque sorte... atrophiée."
Les deux sœurs battirent plusieurs fois de leurs paupières, comme pour assimiler le message. Mais un détail semblait les perturber. Ce qui n'arrêta pas en revanche Selifós.
"Le métissage de ces deux magies est toujours néfaste. Une alicorne de sang pur, comme moi, possède une magie au moins dix fois plus puissante que la vôtre. Comme vous l'aurez compris, une alicorne de sang-mêlé peut peut-être à la fois contrôler le soleil et la lune, mais elle ressortira toujours perdante dans les autres disciplines. Le croisement des deux magies les affaiblira fatalement, ce qui fait de ces alicornes beaucoup plus faibles qu'une alicorne ne possédant que l'une des deux magies ; presque aussi faible même qu'une alicorne artificielle. C'était ce que les Lux et les Skiá avaient découvert ensemble, et c'était l'une des raisons pour lesquelles les unions conjugales étaient interdites entre les deux familles, afin de préserver la force des deux magies et la pureté de leur sang."
"Une... une alicorne artificielle ?" dit Celestia, interrogatrice sur ce terme, bien qu'elle avait déjà une petite idée de ce à quoi ça faisait allusion.
"Oui. Une alicorne artificielle. C'est bien ce en quoi tu as transformé Twilight il y a plusieurs années, non ? Tu sais ce que c'est", répondit Selifós comme si c'était une évidence.
"Si, bien sûr. C'est juste que... c'est la première fois que j'entends ce terme", se justifia l'alicorne solaire. "Je reconnais que c'est assez fidèle à la réalité mais je n'ai jamais traité Twilight comme... comme telle. Mais que sont ce que t'appelle les alicornes artificielles pour toi ? Il y en avait aux temps des Lux et des Skiá ?"
"Oui. Twilight est très loin d'être la première mortelle changée en alicorne", raconta-t-il. "Les alicornes artificielles étaient une invention des Lux... ou dirais-je plutôt... une découverte. Car justement, ce qu'ils ont découvert, c'est qu'un poney peut se changer en alicorne s'il lui a été insufflé une intense quantité de magie ; mais ça je suppose que tu le sais déjà. Les Lux ont autrefois formé des poneys mortels dignes de confiance. Et une fois que ces derniers étaient considérés comme prêts, ils leur insufflaient une énorme quantité de magie afin de les transformer en alicorne. Les Lux avaient exploité cette découverte révolutionnaire pour posséder des alliés de taille nécessaire pour exécuter des tâches prépondérantes telles que la politique, des rituels magiques puissants, ou encore l'assistance dans les guerres contre les Skiá."
"Et moi qui croyais avoir découvert ce procédé", se dit Celestia à elle-même à voix haute. "En fait, je l'ai juste redécouvert."
"Je comprends ta frustration. Mais sache que rien n'est nouveau. Tout ce qui a été oublié finit toujours par être redécouvert. On dira ensuite que c'est nouveau, alors que non : nos ancêtres y avaient déjà pensé des millénaires avant nous. Rien n'est nouveau sous le soleil. Mais dis-moi, Celestia : pourquoi as-tu changé Twilight en alicorne ?"
Celestia hésita à répondre. La raison y était intime. "Je... c'est personnel. C'est pour une raison de famille."
"Pourtant ne fais-je pas partis de ta famille ?" argumenta Selifós avec un rictus. "Tu peux tout me dire."
"Non. Quand je dis une raison de famille, je dis que ça ne concerne que ma sœur et moi. Même Twilight je ne l'ai pas mise au courant. Je ne lui ai jamais dit la vraie raison pour laquelle je l'ai transformée en alicorne."
"Celestia en avait assez de gouverner", confessa soudainement Luna avec calme, à la place de son aînée. "Elle ne supportait plus le poids de la couronne. Elle avait dirigé un pays pendant plus de mille ans et elle en était complètement lasse. Et elle voyait dans la couronne la raison de sa souffrance ainsi que de la mienne. Car elle avait envisagé le scénario suivant : si elle et moi, on n'avait jamais accepté de devenir des princesses, on aurait alors jamais eu à... " Le visage de Luna se crispa.
"Que s'est-il passé ?" demanda Selifós d'un air inquiet.
"Je... j'ai... " hésita Luna à son tour, face à la douleur des souvenirs implacables qui refaisaient surface.
"J'ai banni ma propre petite sœur sur la lune", dit finalement Celestia avec la voix tordue de regret. "C'est une longue histoire mais disons que... si Luna et moi n'étions jamais devenues princesses... on n'en seraient jamais arrivées là. J'avais décidé après le retour de ma petite sœur qu'on... qu'on forme Twilight à devenir une alicorne... afin qu'elle nous remplace le moment venu. En abdiquant, j'espérais juste... " Les yeux de Celestia s'embuèrent de larmes. Puis elle sourit. "Quinze ans qu'on a abdiqué maintenant. Et quinze ans maintenant qu'on mène une vie simple, loin des tracas de la couronne. Je voulais juste rattraper ces mille ans gâchés sans ma sœur. J'ai décidé que... elle et moi... nous nous contentions que de nous deux... loin de la couronne... pour être enfin heureuses. Un bonheur qu'on n'a plus connu depuis maintenant des jours longtemps oubliés."
Celestia contemplait le visage de Luna lui aussi submergé par l'émotion, alors qu'elle terminait sa phrase. Selifós était lui aussi touché par cette histoire et l'amour sacré et sororal qui régnait entre elles deux, alors que certains passages le firent remémorer à lui aussi un passé traumatique.
"L'histoire de votre vie est vraiment belle. Et tragique", commenta-t-il avec un sourire triste. "Alors tu as toi aussi été bannie sur la lune ?" ajouta-t-il en direction de Luna, les yeux voilés par la compassion. "Ma pauvre enfant... "
"Tu as été exilé sur la lune toi aussi ?" dit Luna avec, étrangement, aucune surprise dans sa voix.
"L'exil sur la lune est une expérience traumatisante. T'as de la chance que ta sœur t'aimait, et qu'elle t'eût bannie pour seulement mille ans. Ma famille à moi me détestait et cherchait réellement à se débarrasser de moi. Ce n'est pas pour mille, mais dix mille ans qu'on m'a banni. Et à peine quelques semaines après mon retour, les miens ont tenté de m'assassiner."
Luna eut les yeux ronds en entendant le nombre. Celestia fut un peu confuse.
"Dix mille ans ? Mais quel âge as-tu au juste ?"
Selifós gloussa. "Vingt mille ans. Au moins. Si ça peut vous rassurer, moi aussi je trouve mon âge assez ridicule. Je suis extrêmement ancien ; même pour une alicorne. Normalement, les miens ne survivaient pas plus de quelques millénaires."
"Vingt mille ans... " murmura Celestia complètement effarée, à deux sabots de s'évanouir.
"Dis-moi, Selifós", interpella Luna qui s'était très vite remise du petit choc. "Quand j'étais sur la lune, j'avais aperçu de très nombreuses villes fantômes, ainsi que des monuments gigantesques, partout sur le satellite. Mais il n'y avait absolument personne."
"En effet", confirma-t-il l'expérience de sa nièce, tandis que Celestia fut discrètement étonnée de cette information : Luna ne lui en avait jamais parlé lors de son retour d'exil. "Mais personne ne les habitait. C'est seulement moi qui avais bâti tout ça."
"Tu as construit tout ça ?!"
"Ben... j'y suis resté coincé dix mille ans là-haut. Donc il fallait bien que je trouve un moyen de tuer le temps et effectivement, ce n'était pas le temps libre qui me manquait. Et tu t'es amusée à tout visiter, j'imagine ?" Il eut posé sa question avec un petit ton d'enjouement dans la voix.
"Je le reconnais", finissait par sourire à son tour la jument de la nuit. "Visiter tous ces endroits que tu as édifiés m'aura évité de trop m'ennuyer durant mon bannissement personnel. C'était même assez amusant par moment... et étrange aussi... " Puis elle en revint sur un autre fait. "Mais maintenant qu'on en parle de l'exil sur la lune ; pourrait-on savoir pourquoi tu y as été envoyé ? Les même raisons pour lesquelles on t'a incarcéré au Tartare, j'imagine ?"
Selifós se tut tout d'un coup.
"Luna a raison", dit Celestia. "En toute honnêteté, je t'apprécie beaucoup. Et je crois que c'est aussi le cas de ma sœur. Mais je ne suis pas totalement sûre de tes intention, Selifós. Si tu veux vraiment qu'on t'accorde toute notre confiance et qu'on t'accepte comme un membre de notre famille à nous, tu devras alors nous avouer sans détour ce qui t'a amené jusqu'à la lune et jusqu'au Tartare."
"Personnellement je t'aime beaucoup, Selifós", lui dit Luna pour tempérer les propos de son aînée. "Je ne vois pas en quoi tu peux être quelqu'un de mauvais. Je suppose qu'à l'époque tu avais tes raisons, et qu'elles étaient probablement louables. Twilight nous a dit que tu avais déjà raconté ta raison à elle, mais que tu le lui as dit sous forme d'énigme, tout en restant vague."
Selifós resta silencieux.
"Raconte-nous l'histoire de ta vie à toi, s'il-te-plaît", demanda humblement Luna d'un sourire curieux et innocent.
Le silence. Ce fut tout ce qui émanait de l'ancien alicorne, méditatif, les yeux rivés sur ses sabots. Comment pourrait-il résumer sa trop longue vie tout en gardant un semblant de cohérence ? Et alors qu'il réfléchissait, il eut un gloussement. Puis un rire. Un rire ancien avec une aura de sagesse, mais aussi emplie d'une franche et infinie mélancolie.
"Je pourrais en écrire trois volumes de cinq cent pages chacun de ma vie", lâcha-t-il alors. "Je vais donc aller à l'essentiel. Sachez d'abord que si je n'ai presque rien dit de mon passé à votre petite princesse, c'est parce que mon passé est tout aussi intime pour moi que le vôtre l'est pour vous... et que ça ne la regardait pas. Je tenais à en parler en premier lieu à des poneys de ma famille, donc vous deux."
"Et alors ?" empressa Luna avec un plus grand sourire, alors que Celestia gardait une expression sobre dans sa méfiance.
"Je n'ai réellement vécu que quatre des vingt milliers d'années de ma vie. Seize milles ans que j'ai endurés, je les ai passés dans l'incarcération, la guerre et le chagrin. Je menais une vie des plus honorables pour un Skiá. Et... " les souvenirs les plus douloureux refirent surface, alors que Selifós contempla une nouvelle fois le sourire enfantin de Luna qui écoutait.
Je sais que t'éprouves du bonheur à admirer son sourire, et ce pour les justes raisons... " intervint discrètement Light. Mais tu ferais mieux d'arrêter si tu ne veux pas chouiner comme le gosse que t'étais devant elles. Allons. Un peu de tenue.
Selifós écouta la voix de son Nightmare et continua, en essayant de garder la voix la plus posée possible afin de ne pas laisser paraître sa joie mêlée de tristesse qui montait telle la marée à l'intérieur de lui.
"Les jours les plus heureux étaient lors des jours qui ont suivis mes vœux auprès de la jument que j'ai épousée", sa voix et son poitrail tremblèrent. "Au départ je me fichais pas mal du mariage. J'étais déjà satisfait de mon célibat et de mes hobbys, malgré mon père qui me harcelait pour que je me choisisse une jument, afin d'aider à la croissance et la perduration de notre lignée, tout comme mes frères et mes sœurs, tout comme mes cousins et mes cousines. Et c'est finalement à plus de trois mille ans d'âge que je l'ai enfin fait ; au grand soulagement de mes parents je dois dire."
Il eut un petit rire gêné. "À ce moment, je n'aurais jamais pu imaginer qu'aimer quelqu'un aurait pu me procurer autant de bonheur. Je me suis engagée auprès d'une jolie poupée. Elle était très jeune comparée à moi. Elle avait entre sept et huit siècles d'âge, donc à peu près cinq fois plus jeune que moi à l'époque. Elle m'admirait pour mon for expérience de l'âge. Et moi j'avais comme ce pressentiment que j'avais quelque chose de fragile à protéger, comme un lys : l'engagement conjugal m'a poussé à faire des choses que je n'aurais jamais imaginé faire un jour."
"Comme quoi ?" demanda Luna.
"Après... quelques années éphémères de mariage... il y eut la deuxième grande guerre alicorne", les yeux de Selifós s'assombrirent tout d'un coup. Il laissa planer pendant un instant un calme pesant, comme si ses souvenirs réanimaient en lui une vieille colère. "Ma... ma femme mourut de suite aux conséquences de cette guerre. Vous ne pouvez pas comprendre avec quelle force je l'aimais. Sa perte m'avait totalement effondré. Et le pire, c'est qu'elle était enceinte à ce moment-là, et que j'ai frôlé la mort dans l'espoir de la sauver en sacrifiant ma vie, mais en vain. J'ai survécu. Et elle, elle est morte. J'avais cessé de vivre intérieurement. Et j'avais condamné cette guerre, que de base, je méprisais énormément.
"Je dois dire... je dois dire que... je ne comprenais jamais les intérêts belliqueux de ma famille ainsi que ceux des Lux. Ni même ceux du monde en lui-même d'ailleurs. Pour moi cela n'avait aucun sens. Et une chose qui avait tellement de valeur à mon cœur me fut retirée, par une autre chose totalement dénuée de sens. Ce sentiment d'injustice... cette haine... ça m'a totalement détruit."
Selifós retint ses larmes de toutes ses forces, bien que Luna et Celestia voyaient clairement en lui, que les souvenirs qui lui revenaient, aussi anciens soient-ils, étaient encore très récents dans l'esprit de leur aïeul. Une larme s'échappa dans sa maladresse.
"Désolé", dit-il en l'essuyant rapidement d'un revers de son sabot. "Ce fut à ce moment-là que ma vie avait complètement basculé donc... c'est comme si c'était hier. Je ne parle jamais de ça. Mais pour vous et pour toutes les vérités que vous méritez de savoir... j'accepte de réouvrir mes stigmates."
"Ne sois pas désolé", lui répondit Celestia avec empathie. "Si tu ne veux pas en dire plus, alors nous n'insisterons pas. C'est... c'est tout à fait compréhensible que tu aies voulu te venger. C'est justement pour la vengeance que tu es arrivé au Tartare, n'est-ce pas ?"
"Non", réfuta Selifós. "par pour la vengeance. Pour la justice... pour la paix."
"De... " Celestia hésita. Son interlocuteur semblait faire référence à autre chose encore. "De quoi parles-tu ?"
"J'ai effectivement cherché à venger la mort de ma femme, c'est vrai", continua-t-il en se pressant les yeux, comme pour étouffer cette flamme de courroux et de chagrin qui le consumait intérieurement. "C'est ma soif de vengeance qui avait attisé plus que jamais ma détermination à participer à cette guerre. Et c'est moi-même qui y a mis un terme. Les Skiá étaient les vainqueurs de ce conflit grâce à moi. Les miens m'avaient félicité en héros, malgré le fait que j'ai commis d'épouvantables crimes. Et dans le fond, je n'en avais absolument rien à faire qu'on me traite de héros. Je ne voulais pas être un héros. Je voulais seulement retourner auprès de ma femme. Mais après la guerre, le lit était vide. Et j'étais à nouveau seul."
La tristesse de l'étalon semblait avoir contaminé Luna.
"C'est alors que j'ai appris la vérité sur la vengeance", continua-t-il toujours, alors que sa tristesse se calmait enfin. "Une leçon de sagesse que je n'oublierai jamais : on a beau punir celui qui casse le vase, le vase restera toujours cassé. Massacrer le camp adverse ne m'avait pas ramené ma femme. Tout ce que ma rage m'a apporté était la satisfaction de mon égo, et la disparition de cette culpabilité : celle de ne pas avoir su la protéger. C'est alors que j'ai compris. La vengeance ne sert pas aux morts. Elle sert seulement à notre orgueil. À restaurer notre dignité. J'ai oublié pendant un temps mon chagrin grâce à ma vengeance, après avoir châtié les responsables. Mais la douleur du deuil est revenue très rapidement.
"Et puis... je me suis sentis stupide. J'aimais ma femme. Et je me disais après avoir retenu la leçon que... qu'elle n'aurait pas voulu que j'honore sa mémoire avec des actes de haine et de vengeance, mais plutôt avec des actes d'amour et de paix. Elle n'aurait pas voulu me voir autant souffrir ou détruit. Mais plutôt me voir aller de l'avant.
"C'est pourquoi je me suis relevé ; avec mon amour, à présent une plaie indélébile qui saignait constamment pour seule compagnie ; et j'ai donc œuvré pour la justice. J'ai aliéné ce qui restait de ma vie à trouver un remède à la haine : le cancer des mondes ; pour leur offrir la paix et la joie que j'embrassais au côté de mon épouse, afin que la Terre échappe au cataclysme qui a détruit ma vie. Pour pas qu'elle ne connaisse le même sort."
"Qu'as-tu fait ?" demanda Luna prise par l'histoire.
"J'ai philosophé. J'ai traqué, sans relâche, des idéaux. Mais aucune, même le plus fiables, ne semblait porter leur fruit. Peu importe les solutions que je trouvais et tentais de mettre en pratique, les poneys et les autres créatures de ce monde avaient bien trop de colère. Comme si... comme s'il était du destin de la vie de toujours retourner à la mort. Et même moi... dans mon immortalité... je dus reconnaître que j'étais vivant ; et mort en même temps. Vivant dans mon enveloppe charnelle. Et mort dans mon âme. Je vivais ma mort. Et ça, c'était la pire sensation que j'ai eue."
"N'as-tu pas essayé la thèse de l'amitié ?" suggéra Celestia. "C'est celle qu'emploie Twilight actuellement. Et elle marche très bien."
Selifós soupira de défaitisme. "Oui. Mais pour combien de temps ?"
Le ton sur lequel il avait prononcé ce doute... Luna et Celestia en furent effrayées intérieurement.
"Ne me croyez pas stupide. J'ai exploré toutes les solutions éventuelles. Y compris la thèse de l'amitié. Comme pour beaucoup d'autres d'ailleurs. L'amitié est une chose forte et durable... c'est vrai mais... mais elle est aussi très fragile... elle n'est pas toute-puissante. Il suffit d'une étincelle... juste d'une méfiance et... tout peut partir en fumée. Même les choses aussi durables que l'amitié ont une fin. Car le pire ennemi de l'amitié reste et restera toujours la Mort ; car rien n'est plus fort qu'elle. Qui peut prétendre être plus fort que la Mort d'ailleurs ? Qui ?"
Il baissa tristement les yeux.
"Quand j'ai rencontré Twilight, je l'ai avertis de ne pas trop mettre sa confiance dans l'amitié. De ne pas être aussi naïve. Car le monde dans lequel on se trouve... ne l'est pas. J'ai d'ailleurs évité de lui dire franchement que ses amis mourront, alors que elle, poursuivant sa vie dans une jeunesse bien plus longue, devra continuer sans eux. Je l'aime beaucoup cette Twilight. Sincèrement. Sa conviction en ses principes et ses croyances... elle me rappelle moi quand j'étais jeune.
"Mais tout finit par passer. Tout a un début. Et tout a une fin. Absolument tout. J'ai alors compris que cette paix n'était qu'une illusion. Une vulgaire utopie. Que ce n'était que la poursuite du vent. Il y aura toujours de la paix comme il y aura toujours de la guerre. Tant que le plein existera, le vide existera aussi.
"Vous voyez ? J'avais appliqué mon cœur à connaître la sagesse. Afin de découvrir comment débarrasser le monde de sa sottise et de sa folie. Et à la fin j'ai été forcé d'accepter que ça aussi c'était la poursuite du vent. Et j'étais dans un chagrin profond, en découvrant à la place que ma sagesse ne m'avait servis à rien, et qu'elle ne me faisait que souffrir d'avantage devant cette conscience de la réalité du monde. J'en étais venu à envier les fous et les ignorants, qui eux ne connaissaient pas la vérité, et dont mon sort ne serait pas si différent du leur. La sagesse est une tragédie en vérité. Et en mon for intérieur, j'en ai conclu : tout cela n'est que de la fumée."
Il soupira plus fortement.
"J'étais dépité. Prêt à abandonner face à cette fatalité, face à ce cycle des évènements, face à cet éternel retour. Et alors mes parents, m'ayant toujours soutenu dans mon plan d'apporter la paix universelle, ont décidé de me révéler un secret. Très probablement pour que je comprenne réellement ce qu'est le monde, soit pour m'aider à lâcher prise et l'accepter, soit pour revigorer ma volonté à le changer. Et ce secret... ça avait complètement balayé mes propres croyances."
"Quel est ce secret ?" lui demanda l'une des juments avec une pointe d'anxiété.
"C'est le secret le plus sombre et le plus occulte du monde. Il parle de l'origine des Lux et des Skiá ; de Discord, de ses origines à lui et de ses propres desseins ; et bien sûr de la vérité sur le monde en lui-même."
"Et quelle est cette vérité ?"
"Je... " dit un Selifós hésitant qui ne souhaitait pas blesser ses deux nièces. "C'est un secret qui à l'origine n'était connu que de la toute première génération des Lux et des Skiá, ainsi que de Discord. Mes parents m'ont fait promettre que je ne révèle ce secret à absolument personne. Et en mon âme et conscience, il vaut mieux pour tout le monde que ce secret reste un secret. Moi-même quand je l'ai découvert, j'en ai eu des pensées suicidaires pendant plusieurs semaines. Désolé. Je ne vous en dirai pas plus. Je ne veux pas que vous aussi vous éprouviez cette sensation." Moment de silence. "Aujourd'hui, il n'y a plus que deux êtres encore au courant de cette vérité : moi, et Discord. Et depuis que j'ai appris ce secret, j'ai haï Discord de toute mon âme, et je le hais encore aujourd'hui."
"Et pourquoi ?"
"C'était lui le responsable de toutes ces guerres", grinça Selifós des dents. "C'était lui le responsable de ce déchirement entre les Lux et les Skiá. C'est à cause de lui que ma femme est morte ! C'était lui le responsable de toute cette zizanie ! de tout ce chaos !" Il fit retomber sa tension. "Et c'est alors que... je l'ai compris... tout n'est qu'un cycle. Il peut y avoir une paix, mais elle sera aussitôt suivie d'une guerre. Comme la lune suit le soleil. Comme la pluie suit le beau temps. Je vous l'ai dit : tout a un début et une fin. Tout n'est qu'éternel retour. Même les immortels doivent passer. Et l'harmonie d'Equestria ne survivra pas non plus à la réalité de cet horrible secret. La question à se poser, c'est quand et comment cela finira-t-il. Vous voyez ? Tout cela n'est que la poursuite du vent."
"Et pourtant tu n'as pas abandonné tout espoir", dit Celestia avec logique. "Sinon, je suppose que tu n'en serais pas là aujourd'hui."
"Ha", fit Selifós pour mimer un rire triste. "C'est vrai. J'ai vu un moyen. Un moyen de transcender le monde. J'ai juré de faire la guerre à Discord et de mettre à mal ses plans. J'ai initié un projet. J'ai inventé un sort qui avait pour but de ramener la paix. Et c'est à cause de ce sort que je suis finalement devenu l'ennemi mortel du monde."
"En quoi consistait ce sort ?" demanda Luna.
"C'est un sort que j'ai inventé. Je l'ai appelé : le sort du rêve universel. Comme tu dois déjà le savoir, Luna, la magie lunaire nous permet de faire des choses très étonnantes dans la dimension des rêves. Puisque la paix universelle n'est qu'une illusion ; un rêve ; j'ai donc eu le génie de créer ce rêve. Le sort est très complexe et procède donc en plusieurs étapes, chaque étape étant d'autres sorts qu'eux aussi j'ai élaborés pour le besoin de mon plan.
"La première étape était le nuit éternelle : provoquer une éclipse solaire qui ne finirait jamais. La seconde étape : lancer sur la lune un sort qui plongerait tous ceux qui la regarderaient dans un sommeil hypnotique. Et enfin, la troisième étape : plonger toutes les créatures vivantes du monde dans un seul et même rêve synchronisé. Et ce rêve ne devait être qu'empli de bonheur et de cette fameuse paix impossible à atteindre. Et ainsi, dans ce nouveau monde, on serait tous heureux. Sans guerre. Sans haine. Juste cette paix universelle."
"Donc tu as toi aussi répandu la nuit éternelle ?" dit Luna abasourdie. "Et ce n'est que l'étape d'un sort plus complexe ? Et comment comptais-tu mettre le monde entier dans un seul et même rêve ? Même moi j'ai d'énormes difficultés à synchroniser les habitants d'un simple petit village dans un seul et unique songe."
"Rappelle-toi ce que je t'ai dit Luna à propos des alicornes de sang-mêlé", lui expliqua Selifós. "L'incompatibilité des magies solaire et lunaire les affaiblissent réciproquement. Les alicornes de l'ancien monde, qui elles étaient des pur-sang, étaient beaucoup, beaucoup plus puissantes que tu ne peux l'imaginer."
"Et donc tout le monde s'est opposé à toi et à ton projet, n'est-ce pas ?" dit Celestia désirant connaître l'aboutissement de cette histoire.
"Oui. Mon adversaire principal à ce moment, contrairement à ce que vous pourriez imaginer, ce n'était pas Discord, mais ma propre famille... " Il soupira. "J'ai massacré les membres de ma propre maison. Mes frères, mes sœurs ; mes cousins, mes cousines ; mes neveux, mes nièces... même mes parents. Je les ai tous tués. Très peu ont survécu."
Luna et Celestia en furent complètement et silencieusement choquées par sa confession. "Même tes parents ?! Tu n'avais pas pourtant dit qu'ils te soutenaient tout à l'heure ?"
"Si. Jusqu'à qu'ils entendent parler de mon projet cependant. Ils disaient qu'en lançant ce sort, je condamnerais le monde à une destruction rapide et certaine, que mes intentions sont des plus louables, mais que les moyens employés étaient déraisonnés. En plus, pour jeter ce sort, je devais contrôler la lune : c'était nécessaire. Mais la lune obéit toujours au doyen des Skiá, et le doyen à cette époque, n'était autre que mon père."
"C'est donc pour ça que la lune n'obéit plus à ma magie ?" posa Luna juste pour être sûre. "Parce que tu es mon aîné dans la magie lunaire ?"
"Exactement", confirma Selifós. Puis il ferma la parenthèse. "C'est donc parce que mes parents étaient opposés à mes intentions que j'ai dû les tuer, et aussi pour devenir le nouveau doyen des Skiá. Je m'attendais à un combat très rude car ils étaient bien plus forts que moi. Surtout mon père. Mais... "
"Mais... ?"
"Ils n'ont pas voulu me combattre. Ils m'ont laissé les exécuter", avoua Selifós avec douleur. "Dans le fond, ils ont toujours su ma vraie raison. Et ils ont toujours su à quel point la mort de ma femme m'avait détruit. Par respect pour ma peine, mon désir d'apporter la paix, ma philosophie, et surtout après la vérité cruelle que j'ai entendue de leur bouche, ce fameux secret que personne ne doit connaître... ils ont choisi de me laisser les tuer, malgré notre désaccord. Alors qu'ils fermèrent leurs yeux pour la dernière fois, ils m'eurent dit qu'ils m'aimeraient toujours, et qu'ils seraient toujours fiers de moi... que je resterai toujours à leurs yeux le gentil petit poulain qu'ils ont connu."
Selifós retint de toutes ses force sa vieille peine traumatique afin de rester un minimum fier devant ses cadettes.
"Mes parents étaient ceux que j'aimais le plus après ma femme. Je ne vous cache pas combien j'avais pleuré en les tuant. Mais je me suis raffermi en me disant avec foi que ce que je faisais, c'était pour le bien de tous, bien que cela fut fait à contrecœur et avec souffrance... et surtout à quel prix... "
"C'est donc pour ça que ta famille te détestait", comprit silencieusement Celestia.
"Oui", dit Selifós avec regret. "J'étais sur le point de réussir, vous savez ? J'étais parvenu à plonger tout le monde dans ce sommeil éternel. Même les Lux. Les seuls à m'avoir résisté était ce qui restait de ma famille. Ils ont vu tout le bien que mon sort avait apporté. Mais ils ont tenu les même propos que mes parents, que j'étais devenu complètement fou. Et bien évidemment, ils ne m'ont pas laissé les tuer. Car contrairement à mes parents, ils ne connaissaient pas la vérité. Ils ne pouvaient pas me comprendre véritablement. Ce sentiment d'être seul contre tous. Seul contre le monde. À un contre un million... c'est une expérience qui vous change à jamais."
"Et on t'a finalement vaincu", conclut Luna.
Il hocha de la tête. "Ils m'ont banni sur la lune pour mes crimes... et ce pour dix mille ans. À mon retour, les Skiá ont tenté de me supprimer pour récupérer le contrôle de la lune, puisque j'étais le doyen et le chef de la famille Skiá. Vous vous rendez compte ?" dit-il avec une léger rire qui n'avait rien d'amusant. "Être le chef d'un clan qui te déteste ? Ils ont essayé de m'assassiner parce qu'ils ne me faisaient pas confiance, et parce que l'histoire avait retenu de moi seulement ma folie et les actes horribles commis contre ma famille... des actes dont je n'ai jamais été fier."
"Et qu'as-tu donc fait ?"
"Et bien... je suis repartis en exil... volontaire cette fois-ci. Je me suis retiré auprès des chevaux et je me suis mêlé à eux afin de disparaître et qu'on ne me retrouve pas. J'avais profité de ma libération pour traquer Discord et lui exiger des réponses. Je l'ai affronté à maintes reprises pour que le monde, une fois débarrassé de lui, savoure enfin une paix durable. Mais je n'ai jamais réussi à le vaincre : ce draconequus est beaucoup trop fort. Donc... quand une nouvelle guerre éclata entre les Lux et les Skiá, je suis retourné dans mon pays natal afin de réinitialiser mon sort. Et cette fois, on avorta ma nouvelle tentative dans l'œuf. Et ce n'étaient pas les Skiá qui m'avaient neutralisé cette fois, mais les Lux. Ils m'ont changé en pierre et je suis resté dans cet état pendant près d'un millénaire et demi."
"Et le Tartare était à la troisième fois, n'est-ce pas ?" devina l'une des juments.
"En effet. Une autre guerre avec un contexte bien différent des autres conflits antérieurs avait fait mourir la doyenne des Lux ; celle qui m'avait changé en pierre. Et par sa mort, le sort de pétrification fut brisé et je suis sortis de ma prison. Et en voyant que la guerre était toujours d'actualité, j'ai donc relancé mes projets et encore une fois, on m'a arrêté. Et cette fois, j'étais au Tartare et ce jusqu'à maintenant. Et je suppose que... maintenant... vous connaissez la suite." Il releva les yeux vers ses deux nièces. "Voilà. L'histoire de ma vie."
Comment décrire l'appréhension de Luna et Celestia face à tous ces aveux ? Elles n'osèrent pas un seul instant imaginer le calvaire qu'avait dû être sa vie. Et accepter de faire preuve d'autant de transparence sur son passé, malgré que ce dernier soit tragique... ce fut vraiment qu'il leur accordait une profonde confiance et qu'il les respectait. Cette marque d'affection d'abord, venant de cet alicorne qu'elles ne connaissaient pas... puis les réponses qu'il leur avait apporté à toutes leurs questions... et maintenant ça.
"Et bien ?" leur dit Selifós, attentif aux commentaires qu'elles pourraient susciter. "Est-ce que vous êtes satisfaites de ce que je vous ai raconté ? Vous voyez à présent qui je suis réellement ? Et maintenant ? Me rejetterez-vous en me considérant comme une menace, comme l'ont déjà fait les miens il y a longtemps ? ou me permettrez-vous d'intégrer votre famille à vous ? Vous me faites confiance ? ou pas ?"
Celestia réfléchit, encore indécise. Le doute persistait dans son esprit : il restait encore quelques incertitudes. S'il avait été capable de massacrer sa propre famille et de tuer ses propres parents, malgré l'amour qu'il leur portait... que serait-il donc capable de leur faire à elles ? Ce ne fut pas qu'elle refusait de se fier à lui : il y avait juste quelques questions encore auxquelles il devrait répondre. Elle rumina son dernier pancake pour stimuler sa pensée.
Luna, elle, fut émue de compassion pour cet étalon qui lui ressemblait tant. Rien que le fait d'apprendre qu'elle n'avait pas été la seule à être bannie sur la lune l'encouragea à s'identifier à lui ; et elle lui éprouvait déjà pour cela un attachement précoce. Elle aussi avait fait des erreurs et avait commis des actes vils. Et pour ça, on l'avait haïe et crainte pendant longtemps, avant qu'on ne l'accepte finalement. Elle était heureuse. Car elle se sentait moins seule. Car elle comprenait Selifós, et pressentait que Selifós la comprendrait en retour ; et pourrait même l'aider à se comprendre elle-même. Elle commençait à voir en lui une espèce de parrain.
"Moi je te fais confiance", lui répondit la cadette chaleureusement. "Et je serais vraiment heureuse si tu séjournais quelques temps parmi nous. Et toi, grande sœur ?"
Celestia touillait son café qui avait refroidi. "J'approuverais bien. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, je t'apprécie, Selifós. Mais il y a encore deux choses que je voudrais savoir." Elle finit son restant de café d'une traite et jeta un air prudent à la tête de l'alicorne noir. "Premièrement, je désire connaître tes intentions actuelles, même si Twilight avait estimé à travers sa lettre que tu ne représentais pas une réelle menace pour Equestria. Et deuxièmement, elle nous a également dit que tu tenais tout particulièrement à récupérer la magie de ma sœur. On peut savoir pourquoi ?"
Luna avait oublié ce détail, et vit cette nouvelle question comme une sorte de rappel à l'ordre. Elle observa attentivement l'étalon avec la même prudence que Celestia dans le regard. Selifós leur répondit en toute quiétude.
"Comme Equestria ne semble pas vivre un temps de guerre, j'ai pour le moment décidé de remettre mon projet de paix universelle à plus tard, et de profiter de la paix qui règne à Equestria ainsi que de ma liberté. Et éventuellement, comme je suis votre aïeul, je me suis dit que je pourrais peut-être m'incruster dans vos vies si vous n'y voyez aucun problème. Je souhaite juste m'intégrer à votre famille et apprendre à vous connaître et à vous aimer, mes petites-nièces."
Les deux sœurs lui sourirent amicalement un instant, devant sa volonté pure de s'intégrer à elles malgré qu'ils ne se connaissent que depuis très peu de temps. Puis l'étalon se justifia avec assurance pour la seconde partie.
"Quant à la seconde question, la magie lunaire est la magie des Skiá : l'héritage de ma famille. Cette magie ne lui appartenait pas et en tant que doyen, il m'est vu le devoir de la lui confisquer. Car ce n'est pas à une alicorne artificielle et encore moins à de vulgaires mortels que reviennent de telles responsabilités." Puis il s'adressa précisément à Luna. "D'ailleurs, ça me rappelle une chose que j'aurais dû faire dès notre rencontre." De sa corne, il sortit un fifrelin d'essence de nuée bleue. "Je te rends ceci, Luna. Il me semble que tu l'aies égarée."
Le petit nuage bleu étincelant rejoignit la corne de l'alicorne bleu nuit pour se faire absorber par sa pointe. Luna reconnut la signature de cette magie : c'était la sienne.
"Mais... " dit-elle perplexe. "C'est ma magie. Twilight a accepté de te la donner ?"
"Non. Cette princesse un poil arrogante était aussi très têtue. Je lui ai fêlé quelques côtes pour la rappeler que ce n'était pas à elle de décider."
"Tu as fait quoi ?!" s'irrita la jument lunaire.
"Bon. J'exagère un peu quand je dis que je lui ai fêlé les côtes. Je ne lui ai pas fait tellement de mal. Tout ce que j'ai fait, c'était lui coller une rouste pour lui rappeler la notion d'humilité. Pour le reste, je lui ai repris ta magie lunaire de force ; dans l'intention bienveillante de te la rendre, Luna."
"Mais... de quoi je me mêle !? Je ne t'ai rien demandé !"
"Oui, je sais. Ça me fait plaisir", répondit Selifós, ne voyant absolument pas où était le problème, souriant comme si on le gratifiait.
"Luna a donné de son propre chef sa magie lunaire à Twilight pour qu'elle s'occupe de ses anciennes tâches", expliqua Celestia, elle aussi furieuse. "Tu n'as pas à décider de sa manière d'utiliser sa magie ; que tu sois doyen d'une famille d'alicorne ou pas."
"Oui. C'est effectivement l'excuse que Twilight m'a sortie pour légitimer son droit d'usurper sa magie", lui dit Selifós, absolument pas impacté par la véhémence de ses deux consœurs. "Sauf qu'elle ne contrôle plus la lune : c'est moi qui s'en occupe à présent." Il redirigea son regard vers la jument bleue. "Donc j'ai estimé juste que tu récupères ta magie, Luna."
"Et le monde des rêves alors ?" rétorqua Luna. "Qui le garde en ce moment ?" Elle se leva soudainement de son siège. "Je pars immédiatement pour Canterlot. Si Twilight n'est pas déjà en route pour Silver Shoals, je pourrais lui reconfier mes pouvoirs."
"Pas si vite, Luna", rétorqua Selifós à son tour en se téléportant pour lui bloquer le passage tout juste de son aile. "Le monde des rêves n'a pas besoin d'être gardé. Je crois que tu prends tes anciennes responsabilités un peu trop à cœur."
"Hors. De mon. Chemin", cracha Luna sa bile contre un apparemment traître.
"Luna", dit Selifós avec un calme exemplaire face à la fougue de la petite alicorne. "Twilight m'a parlé de tes devoirs d'antan, en dehors du contrôle de la lune. Ce sont des intentions tout à fait nobles et bienveillantes, et je les respecte. Mais les poneys n'ont pas besoin qu'on surveille leurs cauchemars."
Luna fixait intensément les pupilles fendues de Selifós avec défi. Mais elle réfléchissait également. Ces yeux... et cette parole : Twilight, une fausse alicorne qui n'avait pas à utiliser la magie lunaire. Ça lui rappelait trop le regard et le discours de quelqu'un d'autre pour pas qu'elle n'y pense. Elle décida donc néanmoins de donner une seconde chance à son nouveau parent.
"Explique-toi", soupira-t-elle verglacée.
"Les cauchemars, comme toutes choses, font partie de la vie. Et on apprend à vivre avec. Et les cauchemars, même les plus traumatisants, n'apportent pas de réels changements à nos propres vies : ça ne reste que des cauchemars. Qu'on les aide à vaincre leurs mauvais rêves ou non, les poneys continueront de mener leur existence comme elle l'a toujours été."
"C'est faux", nia Luna. "Les cauchemars apportent un énorme déséquilibre sur la psyché des poneys. Ils – "
"Ne sois pas si naïve en te cachant derrière des mots, Luna", coupa Selifós avec toujours ce calme sage. "Si ce que tu dis est vrai. Alors qui était là pour te protéger de tes propres cauchemars ? Pour ma part, jamais personne n'est entré dans mes rêves pour me les résoudre, et je ne me suis pourtant jamais porté aussi bien, « mentalement parlant » ; comme tout le reste de ma famille. Et je suis sûr, Luna, qu'il en va de même pour toi."
Luna eut du mal à riposter face à cela. Ses yeux s'affolèrent devant cette vérité logique et imparable. Selifós profita de cette ouverture pour enchaîner.
"De plus, Luna. Dis-moi. Je suppose que tu n'as gardé que les rêves des poneys. Qu'en était-il des griffons ? des dragons ? des kirins ? et de toutes les autres créatures de ce monde ? Qu'en était-il de leurs cauchemars à eux ? Je suis sûr que tu les laissais seuls face à leurs propres cauchemars, étant donné qu'ils ne faisaient pas partis de tes anciens sujets ; et que ça n'a pourtant rien changé à leur vie non plus."
"..."
"Et tout à l'heure. Celestia a dit qu'elle t'a bannie sur la lune pour mille ans. Et je suis prêt à parier qu'il n'y avait absolument personne pour garder les rêves pendant ton absence. Et aux équestriens ? Ça a changé quoique ce soit à leur vie qu'on laisse leurs rêves sans surveillance ?"
"..."
"Celestia ?" dit Selifós en s'adressant à l'aînée. "Qu'est-ce que tu en penses ? T'étais seule à la tête d'Equestria pendant l'exil de ta sœur, si j'ai bien compris ? Que personne ne soit présent pour garder les rêves des poneys pendant un millier d'années, ça s'est fait ressentir ? Avais-tu remarqué quoique ce soit d'anormal ? De différent ?"
Celestia garda le silence. Son règne en solitaire de mille ans était calme et paisible. Elle n'avait rien remarqué d'anormal pendant ces mille années. Pour les équestriens, la vie avait effectivement continué simplement comme elle l'eut toujours été. D'ailleurs, à sa plus grande effroi, comme elle l'avait ressentie pendant ce millénaire passé, elle était la seule à avoir cette pleine conscience de la disparition de Luna. Les poneys, eux, avaient continué de vivre comme si sa sœur n'avait jamais existé. Comme si son travail n'avait jamais existé.
Elle ne pouvait pas répondre. Elle savait que c'était la vérité. Selifós avait vu juste. Le travail de Luna n'avait absolument aucune valeur aux yeux des équestriens. Après tout, n'était-ce pas à cause de leur indifférence pour Luna qu'elle était devenue Nightmare Moon ? N'était-ce pas parce que son travail n'était pas reconnu qu'elle s'était rebellée autrefois contre son aînée ?
Elle ne voulait pas répondre. Elle ne devait pas répondre. Cette vérité était très blessante et Celestia ne voulait pas de nouveau faire souffrir sa petite sœur. Pas encore une fois. Elle avait le visage dur comme la pierre alors que sa peur la pétrifiait. Ses lèvres ne bougèrent pas d'un millimètre. Elle se contenta d'envoyer à Selifós un silence triste et un regard lui suppliant de ne pas continuer, comme pour lui donner pudiquement son approbation sur son point de vue.
"'Tia !" s'écria Luna pour inciter sa grande sœur avec angoisse. "Dis-lui que ce n'est pas vrai ! Dis-moi que les poneys m'ai– ! qu'ils... qu'ils... "
Celestia plaqua ses oreilles contre ses tempes pour ne pas entendre la détresse de sa cadette. Elle eut un lent coup d'œil vers Luna, comme avec honte. "Je... je suis désolée, Luna."
La mâchoire inférieure de Luna tremblait, alors que ses propres yeux parurent étincelants dans les larmes inattendues qui lui montaient.
"Et même à ton retour, Luna", désira continuer Selifós, comptant le silence de Celestia comme un oui. "J'ose supposer que les poneys te craignaient. Avaient peur de toi. Qu'ils ne te faisaient pas confiance. Qu'ils n'étaient pas réellement réjouis de ton retour. Exactement comme ce fut le cas pour moi avec les miens. Et qu'ils ont mis du temps à t'accepter. Si ton travail avait vraiment de la valeur, alors les poneys s'en seraient rendus compte durant ton absence, non ? Ils seraient exaltés dès les premiers jours ou les premières semaines de ton retour. Et pourtant ce n'est probablement pas comme cela que ça s'est passé, je me trompe ? Si les poneys ne s'en sont jamais souciés, s'ils n'ont montré aucune gratitude, même après ton retour. C'est donc bien parce que ça ne servait à rien, si ?"
"..."
"Tu comprends, Luna ? Les cauchemars font partis des petits désagréments de la vie. Comme tout, ça finit par passer. Comme tout, ça finit par cicatriser. Et on continue notre vie toujours un peu plus fort qu'hier. Comme tout, le bon rêve et le mauvais rêve sont un cycle. Comme le soleil qui suit la lune. Comme le beau temps qui suit la pluie. Comme la paix qui suit la guerre. On a tous appris à vivre avec ; et le changement de ce cycle, même s'il est positif, ne se fera point ressentir. Tu vois ? C'est comme je l'ai dit tout à l'heure : tout n'est que la poursuite du vent. Les choses n'ont de valeur que si on leur en donne. Tout comme la beauté ne se trouve que dans les yeux de celui qui regarde. Pour toi, ça a de la valeur ; mais pour eux, ça n'en a pas."
"Tais-toi... " murmura Luna entre deux sanglots.
"... Pardon ?" demanda poliment Selifós qui n'avait pas entendu.
"J... je t'en prie... " dit-elle un peu plus fort. "Tais-toi... "
L'ancien alicorne n'aimait pas ce visage triste. Ça aussi ça lui rappelait de mauvais souvenirs. Il ne put s'empêcher de porter son sabot à la joue de Luna pour la caresser tendrement, et essuyer la larme qui venait de couler.
Luna repoussa aussitôt le sabot avec force, comme si elle était prise d'une colère soudaine, bien que son visage resta toujours aussi chagriné. Et donc Selifós, qui ne cherchait plus à insister, rabattit son aile et revint à son tabouret.
"Ce qui incombe vraiment, Luna", lui dit Selifós avec un sourire consolateur. "C'est la joie que tu as éprouvée en faisant ce travail ; très probablement en observant les frimousses apaisées des poneys à qui tu es venue en aide."
"..." Luna tourna lentement ses yeux vers celui qui parlait encore, alors qu'elle était en plein conflit avec elle-même.
"Si tu veux renvoyer à Twilight cette petite part de ta magie pour qu'elle continue tes travaux d'autrefois, alors je... je ne t'en empêcherai pas. Mais juste... prends le temps de bien réfléchir à ce que je t'ai dit. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?"
"Qui es-tu pour me dire ça ?" dit Luna, la voix tordue par la dépression, et aussi par la colère.
"Celui qui en a trop vu du monde... et de la vérité", répondit-il avec un ton sobre et empathique.
La détermination de Luna à faire ce qu'elle estimait juste s'était complètement dissipée. Et ce fut passé si vite. Donc alors... voilà la vérité ? Voilà pourquoi on lui accordait jamais d'attention autrefois ? Parce que son travail ne valait rien ? Toute cette souffrance, toute cette peine, toute cette solitude... endurées pour rien ?
Luna pivota lentement et se dirigea vers sa chambre... sans dire un mot... dans ce silence de mort que ni Selifós, ni Celestia n'osèrent briser. Seul s'entendait le léger claquement des sabots de Luna contre le plancher, qui l'amenèrent dans sa chambre à coucher. L'étalon noir eut un hochement négatif de la tête, plein de compassion pour cette jument qui lui semblait si familière.
"Pauvre enfant... " dit tristement Selifós, après que la porte se referma derrière Luna.
"Pourquoi as-tu dit ça ?" dit Celestia, avec une dent contre l'alicorne nocturne. "Tu ne pouvais pas juste te taire ?"
"Pourquoi je lui ai dit ça ?" dit Selifós encore en peine face à la douleur de Luna. "Probablement pour l'exact et même raison qui t'a poussée à me laisser le dire."
La remarque donna du remords à la jument blanche qui détourna le regard vers la mer. L'étalon soupira.
"Si je le lui ai dit, c'est pour qu'elle cesse de se voiler la face. Je n'aime pas laisser les poneys dans l'ignorance ou le mensonge. C'est un acte manipulateur et lâche. Je l'ai dit pour qu'elle soit plus sage. Je l'ai dit... pour qu'elle se sente plus libre dans ses choix."
"Et peut-être aussi parce que tu ne veux pas que Twilight reprenne sa magie, avoue-le", répliqua Celestia qui haussait néanmoins un sourcil.
"Je le reconnais", dit Selifós sans once de culpabilité. "Mais les lois de la famille Skiá sont claires à ce sujet : la magie lunaire n'a pas être utilisée par n'importe qui, et encore moins par des mortels. Il en va de la dignité de notre maison. Je ne regrette pas d'avoir confisqué la magie de Luna à Twilight. Mais ça ne signifie pas pour autant que j'ai mentis : tout ce que j'ai dit, c'était avec conviction, et d'à partir mon expérience personnelle. Tu sais, les Skiá ne pratiquaient jamais cette garde des rêves que Twilight m'a décrite en général. Parce que justement ils savaient que ça ne servait à rien. Il n'y avait aucune malveillance derrière mes propos."
"Au moins tu es honnête", lui dit finalement la jument solaire avec un rictus prudent.
"Je suis plus qu'honnête. Je suis franc", sourit-il. "Quant à Luna, j'avoue que... ... ... je lui dois des excuses. Ce que j'ai dit, comme tu l'as remarqué, ce n'était pas seulement pour ce que je pense être son bien, mais aussi dans le but de la convaincre de ne pas... enfin, tu m'auras compris."
"Je ne sais pas si Twilight viendra jusqu'ici pour te demander des comptes mais au vu de ce que tu lui as fait d'après tes dires, c'est fort probable. Sache que je ne te défendrai pas si ça arrive."
Selifós hocha brièvement de la tête, en toute quiétude. Mais son esprit demeura ailleurs.
"Si ça ne te dérange pas... tu pourrais m'expliquer pourquoi Luna en a eu le cœur brisé en apprenant que sa garde des rêves n'avait aucun sens ? Elle devait vraiment y tenir." Et une lueur de lucidité arriva progressivement dans ses yeux. "Est-ce que... ça aurait un lien, de près ou de loin, à son bannissement sur la lune ? Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est réellement passé entre vous deux pour que ça dégénère à ce point ?"
"Je. Je n'aime pas en parler. Mais comme tu as fait part d'autant de transparence avec nous sur ta vie, tu mérites que je te raconte la nôtre plus en détail." Celestia fit tournoyer sa tasse vide dans sa magie, le regard plongé dedans, comme si ses souvenirs s'y trouvaient. "Luna aime énormément la nuit. Et elle aime profondément son travail. Et il est vrai qu'elle prend toujours ses responsabilités avec beaucoup de sérieux ; à un tel point que j'en viens à me demander parfois si elle n'exagère pas un peu... si elle n'est pas un peu maniaque.
"Elle traite la lune, les étoiles, la nuit en général, comme s'il s'agissait d'une part d'elle-même. Et hélas, comme tu as dû le comprendre, les poneys d'Equestria ne partagent pas forcément cette même dimension des choses, ce qui faisait que... elle était seule. Pas seulement seule socialement, mais aussi seule dans sa lucidité. Ce manque d'inattention lui donna cette sensation qu'elle n'était pas aimée. Et je dois l'avouer, j'y ai joué un peu là-dedans. Moi-même j'étais trop occupée avec mes propres responsabilités, et il m'arrivait parfois presque de rabrouer Luna quand elle insistait pour que... " Le visage de l'alicorne solaire s'assombrit. "À la fin, elle n'en pouvait plus. Elle s'est changée en une créature de cauchemar, du nom de Nightmare Moon. Elle comptait établir la nuit éternelle et m'assassiner afin que... que les poneys n'admirent et n'aiment qu'elle."
Une lueur de curiosité brilla dans les yeux de Selifós. "Nightmare Moon... c'est très intéressant... " murmura-t-il. "Et ensuite ?"
"J'ai fait ce qui devait être fait", dit l'ancienne princesse, la voix lourde de regret. "J'ai banni ma sœur sur la lune pour mille ans. Cet évènement m'a détruit et encore maintenant j'en tire un certain traumatisme. Privée d'elle pendant mille ans... c'est comme si je l'avais tuée. Et à son retour, j'ai regardé ma petite sœur comme si... comme si elle avait ressuscité. J'avais presque perdu l'espérance de la revoir, tellement j'ai attendu. Et je l'avoue, cette tragédie était entièrement de ma faute. Tout comme le peuple, j'étais incapable de comprendre et d'aimer ma sœur comme elle le mérite vraiment. Luna m'a pardonnée pour l'avoir bannie mais... je crains ne jamais réussir à me pardonner moi-même."
Puis elle fronça les sourcils dans sa mélancolie. "Pour être franche, j'ai pendant longtemps méprisé les équestriens. J'irai même jusqu'à dire que je les haïssais. Car c'était à cause d'eux que je me suis retrouvée privée de celle que j'aime le plus au monde. J'ai fait cet ultime sacrifice, tel l'exigeait le poids de la couronne, pour sauver ces sales ingrats de celle qui méritait en réalité bien plus d'amour qu'eux." Elle soupira un grand coup. "Mais c'était il y a mille ans. Cette colère contre mes sujets ne m'habite plus ; même si... même s'il en reste encore quelques traces aujourd'hui."
"Et je n'ose pas imaginer ce que ça devait être pour Luna", dit Selifós en pensant à autre chose. "Si son Nightmare a pris la possession de son corps, ça devait alors être plus que grave. Les Nightmare ne prennent jamais la dominance sur leurs jumeaux sans une excellente raison. Je crois que tu as sous-estimé sa souffrance."
"Je le sais."
"Je pars la consoler", dit Selifós en se levant de son tabouret. "Je lui dois bien ça. J'espère seulement qu'elle n'exigera pas à ce que je la laisse seule."
"Je t'accompagne", réagit la grande sœur qui se leva aussitôt.
Selifós et Celestia s'avancèrent vers la chambre de Luna, s'attendant unanimement à avoir des larmes collées au pelage. En s'approchant de la porte, et en y collant l'oreille, ils pourraient même entendre les gémissements de Luna. En rentrant, ils la voyaient se lamenter, la tête collée contre le mur. Elle ne pleurait pas vraiment. Disons plutôt qu'elle sanglotait seulement, comme si les pleurs n'avaient pas suffis pour transposer le choc, la colère et le chagrin qui couraient dans ses veines. Cette vérité lui avait donné une gigantesque claque à son amour propre, à un tel point qu'elle s'était réveillée de ce qui paraissait comme une illusion, où toutes les peines n'auraient servis à rien.
Luna tourna la tête vers ceux qui la rendaient visite, les yeux injectés de son sang argenté sous l'effet de sa crise émotionnelle. Et elle ne leur disait rien. Les autres non plus, faces à ce spectacle affligeant. Celestia s'assit sur le bord du lit et tendit une aile ; pour faire signe à Luna de s'approcher, et l'encourager à se laisser étreindre. Elle rejoignit son aînée et se blottit sur son flanc, cette dernière resserrant son aile après celle-ci passée dans son dos.
Selifós resta figé, un peu émerveillé par cette tendresse entre deux sœurs : cela lui rappelait des jours heureux. Puis à son tour, il les suivit. Il osa s'asseoir à leur côté ; timidement car il n'était pas sûr qu'elles l'accepteraient ; et cercla tout doucement Luna, en synergie avec Celestia, de sa propre aile afin de lui offrir un câlin réparateur de tout côté. En goûtant à la douceur, Luna versa une petite larme de joie, d'acceptation ; bien qu'elle avait encore quelques difficultés à sourire.
"Désolé, Luna", lui dit doucement Selifós d'une voix affligée. "Ce que j'ai dit tout à l'heure... je n'aurais pas dû."
Elle tourna sa tête vers lui pour mieux le regarder. "Non. Tu as raison. J'étais dans l'erreur. La vérité... ce que tu as dit... en fait, je le savais déjà depuis le début. J'étais simplement aveuglée par mon amour pour mes nuits... aveuglée par ma dignité." Elle arriva enfin à sourire. "J'étais juste trop fière pour accepter cette vérité, dans mon désir de faire le bien et d'œuvrer pour Equestria sur un sabot d'égalité avec ma sœur. Je... j'avais besoin de quelqu'un pour me le dire en face." Puis elle adossa sa tête contre la poitrine de son grand-oncle. "Merci, Selifós."
Les deux consolateurs eurent les yeux ronds. Ils ne s'attendaient pas à ce genre d'aveu. Non, absolument pas.
"Tu... " lui dit Celestia pour s'ôter d'un doute. "Tu as écouté notre conversation de tout à l'heure ?"
Luna hocha fébrilement de la tête.
"Selifós ?"
"Oui ?"
"Toi aussi, tu as un... « Nightmare » ?"
"En effet", sourit l'étalon. "Il s'appelle Light. Nightmare Light."
"Je voudrais que tu m'en dises plus sur les Nightmare. Je suis curieuse. Tu voudrais bien m'en parler ? après avoir dormis ?"
"Bien sûr. C'était même dans mes intentions."
Cette matinée était chargée en révélation, en choc et en émotion. Elle était cruellement fatigante et Luna s'affaissa assez vite sur son lit et s'endormit même plutôt rapidement ; d'autant plus qu'elle avait passé une bonne partie de la nuit à jouer la noctambule. Celestia et Selifós quittèrent la chambre de l'alicorne bleue sans faire de bruit. Et ainsi Luna somma, avec un petit sourire apaisé et heureux au coin des lèvres.