VII
Celestia siégeait silencieusement dans la salle du trône de Canterlot, à écouter un noble parler de futilités ; de taxes, pour être plus précis. Elle maintint son professionalisme, même si l'envie de bailler la harcelait. Ses sujets avaient de nombreux sujets de conversation à lui proposer, mais hélas la plupart d'entre eux était... bien trop banale.
Soudain, la princesse remarqua que quelque chose clochait. N'était-elle pas supposée se trouver sur la Lune ? Elle regarda un peu partout, et vit que les deux gardes à ses côtés n'avaient pas de visage, mais seulement l'apparence de gardes. Ce manque de détail la turlupina. Elle repéra aussi d'autres bizarreries : la salle du trône s'étendait à l'infini, exactement comme la file de ses invités, et un vide noir et sans espace remplaçait le plafond.
C'était un rêve.
Celestia s'en amusa puis se leva. Le noble qui lui parlait à l'instant rouspéta tandis que l'alicorne se retirait. Tout ceci n'était pas réel donc cette dernière s'en moquait pleinement. Elle s'aventura dans le corridor infini avant d'abruptement tourner à gauche. En temps normal, à cet endroit, il devait se trouver une porte qui menait à... oui ! La cuisine. Des chefs étoilés y planchaient et leur princesse attira leur attention. Elle s'abstint de claquer joyeusement des sabots et s'exprima de sa voix la plus altière et régalienne.
"Votre princesse désire un gâteau : une pièce montée au chocolat avec de la framboise entre chaque couche, ainsi que de la crème de beurre en glaçage. Et assurez-vous que le glaçage durcisse bien à la cuisson."
Ben quoi ? Elle n'a pas à s'interdire ce plaisir.
Quelque temps plus tard, elle prit place dans la salle à manger privée où elle avait coutume de dîner avec sa sœur en toute tranquillité. Mise à part les domestiques, personne n'était autorisée à pénétrer ici en général. La pièce semblait aussi inconstante que la salle du trône. Celestia ne se rappelait pas s'il y avait des piliers ou non, donc l'espace au dedans demeurait bien vide. Mais quelle importance puisque ce gâteau captivait toute son attention, et ce pour une excellente, et délicieuse raison ?
Elle s'en servit une grande et déraisonnable part et prit une grosse bouchée. La framboise et le chocolat se mariaient à la crème de beurre sur son palais. Exquis. La vraie nourriture, particulièrement les pâtisseries, lui manquait terriblement. Elle croqua à nouveau dans sa part, dans la joie de l'instant.
"Grande sœur ?"
Celestia se détourna de son plat imaginaire et aperçut Luna, juste en face d'elle, qui la fixait avec inquiétude.
"Luna ?"
"Est-ce que... tout va bien ?" Se souciait la cadette. "Je peine à le certifier. Cela fait des jours que j'erre dans le monde onirique à ta recherche."
"Tu ne fais pas partie de mon rêve ?" L'aînée un doute.
"Non, 'Tia. C'est moi !" Se moquait-elle gentiment.
Celestia s'écria "Lulu !" à en oublier son gâteau. Elle la saisit dans ses pattes pour la câliner.
"C'est si bon de te retrouver, 'Tia !" Renvoya l'autre l'étreinte contre le cou de sa grande sœur. "Nous nous languissions d'inquiétude depuis ta disparition."
"Honnêtement, je doute également de ce qu'il m'arrive."
"Nous espérions que tu sommes pour pouvoir te retrouver. Un puissant sortilège t'a relocalisée ailleurs mais nous ne savons en point lieu. Où te situes-tu, ma sœur, que je puisse donner piste à la Garde ?"
"Je crains qu'ils aient du mal à m'atteindre." Gloussait doucement Celestia avec embarras.
"Pourquoi ça ?" Demanda Luna, troublée.
"Je suis sur la Lune."
"La Lune ?" S'étonna la princesse de la nuit. "Mais quel labeur entreprends-tu sur ma Lune ?"
"Je... n'en ai pas la moindre idée. Un pouvoir étrange m'empêche de quitter sa surface. Mes sorts de téléportation échouent à chaque fois. Même voler est devenu impossible. Je ne peux au mieux que planer avec mes ailes." Expliqua au mieux la princesse perdue.
"Où y es-tu, très exactement ?" Interrogea encore l'alicorne minuit. "Il me sera utile de le noter."
Celestia tempéra du mieux sa voix. "Cela risque de te troubler, petite sœur. Je suis actuellement dans une ville."
"Une ville ?" S'hébéta Luna.
Elle opina avec consternation. "Et maintenant qu'on en parle... tu te souviens de la ville qui hantait tes rêves, les jours ayant suivis ton retour d'exil ? Et bien... je crois qu'il y a un rapport."
À ces mots, Luna fut traversée par un sinistre souvenir. "Ma sœur... raconte-moi tout."